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de l’ancien régime en Russie a toujours été fomentée par la Cour de Berlin et cela depuis le règne de Frédéric II. » Un député à la Douma, le P. Obrinsky, explique que « la restauration de la Pologne épouvante la Prusse parce qu’elle fermerait à l’Allemagne l’accès des mers méridionales. » Sans trop s’arrêter à de telles déclarations qu’inspirent des événemens récens, on comprend l’importance que la question a pour la Wilhelmstrasse où survit la tradition bismarckienne. En matière de politique étrangère, Bismarck, dans ses Mémoires, se préoccupait avant tout de savoir « si la Russie pencherait vers la fraternité russo-polonaise dans un panslavisme anti-allemand, ou vers l’entente réciproque de la Russie et de la Prusse… Pour l’avenir allemand de la Prusse, l’attitude de la Russie est, dit-il, une question de grande importance. La politique polonophile de la Russie était bien faite pour réveiller les sympathies franco-russes, contre lesquelles les efforts de la Prusse étaient dirigés depuis le Traité de Paris, et dans un certain cas précédemment ; l’alliance favorable aux Polonais entre la Russie et la France était dans l’air avant la Révolution de Juillet ; elle aurait placé la Prusse d’alors dans une position difficile. Il est de notre intérêt de réagir contre le parti qui, dans le Cabinet russe, adopte la direction polonaise, cette direction fût-elle même celle d’Alexandre. »

Il convient aujourd’hui à l’Allemagne d’exciter la Russie contre la Pologne et de détourner l’Autriche d’un accord avec la Russie à l’instigation des Slaves de Cisleithanie (selon le projet Kramarz indiqué à Pétersbourg en ; 1907) : ceux-ci ne doutent point que ce ne soit dans cette intention qu’elle a poussé M. d’Æhrenthal à opérer la réunion de la Bosnie et de l’Herzégovine, « faite de manière à exciter la plus grande irritation possible. » Depuis l’application du suffrage universel (1907), qui peut devenir plus effective encore par la répartition égalitaire des sièges, la majorité slave est plus puissante dans l’empire des Habsbourg : or elle incline à se concerter avec la Hongrie, — de plus en plus hostile aux Allemands et cordiale pour la France, — en vue de calculer une entente austro-franco-russe, objet suprême du néo-slavisme. Si problématique que puisse être pareille combinaison, elle préoccupe certains esprits.

La conférence néo-slaviste, tenue à Saint-Pétersbourg en mai-juin 1909, a été tiède : on y était généralement inquiet et découragé. Les Polonais s’y sont rendus pour protester