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à une insurrection armée ; au contraire il lutte pour la reconnaissance de son individualité dans les trois Etats. » « Nous n’exigeons qu’une chose, a dit encore M. Dmowski à la troisième Douma, c’est que l’on envisage la question polonaise exclusivement au point de vue des intérêts bien compris de l’Etat russe. » Non seulement les députés de Varsovie ont voté avec le gouvernement dans la question agraire, capitale pour lui, sans rien demander en échange, mais ils n’ont revendiqué qu’une autonomie polonaise limitée, conciliable avec la puissance russe qu’ils proclament nécessaire pour faire face à la puissance allemande ; et le budget de la guerre a été voté grâce à leurs voix. Il leur est arrivé dans le vote du budget de se trouver dans la situation de groupe central pouvant faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre : ils ont servi alors la politique de M. Stolypine et dans la troisième Douma se sont rapprochés des Octobristes au lieu de s’allier aux Cadets qui leur avaient fait tant d’avances. Ils n’ont jamais voulu se mettre en avant, chaque fois que leur intervention « aurait enlevé à la lutte son caractère de conflit entre la nation russe et sa bureaucratie. » Dans les provinces annexées, les membres du Conseil d’Etat (tous Polonais) ont signifié par écrit leur fidélité au Tsar.

Comme ses représentans, le peuple a donné sans cesse des preuves de sa sagesse depuis l’avènement même de Nicolas II. Une délégation polonaise déposa alors une couronne sur le tombeau d’Alexandre III ; les deux gouverneurs généraux Chouvalof et le prince Imeretinsky reçurent des témoignages de sympathie de la part de l’aristocratie ; ou organisa pour le couple impérial, venu à Varsovie en 1897, une réception enthousiaste. On voulut perpétuer le souvenir de cette visite, et on réunit, par voie de souscription dans le Royaume, un million de roubles pour un but qu’on laissa au monarque le soin de désigner lui-même : il le consacra à la fondation d’une école polytechnique russe à Varsovie. En 1905, la modération des Polonais a enlevé à la Prusse l’occasion de jouer au gendarme à Varsovie.

Les principaux écrivains ont eu l’attitude la plus correcte, romanciers ou historiens, de Sienkiewicz à l’éminent professeur de Cracovie Marian Zdziechovvski : celui-ci a publié un livre Bi pénétrant et si impartial que les conclusions en sont pleinement approuvées par des Russes comme le prince Troubetzkoï. Dans l’ensemble, les intellectuels polonais n’ont pas moins peur