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n’est pas russe, et il fit remarquer que, sur 648 employés de ce ministère, 520 portent des noms étrangers, principalement allemands. » Les publicistes russes établissaient que les colonies allemandes s’échelonnaient, par une sorte de plan de guerre, le long des voies de communication el se resserraient en masses compactes autour des forteresses : tout autour de Dubno, citadelle de 4 000 hommes de garnison, est installée presque toute une voïvodie allemande, composée de 307 000 âmes. Autour de la forteresse de Kowno, dans l’arrondissement de Kowno et dans les arrondissemens voisins, résident 15 000 colons allemands ; entre les forts, le camp et le pont du chemin de fer, sur le Niémen, sont dressées une dizaine de fabriques appartenant à des Allemands, qui sont même sujets de l’Empire allemand ; les terrains autour de Kowno et de la forteresse sont acquis par des Allemands. On notait, d’autre part, que chaque année des officiers allemands faisaient des tournées parmi les colons : les autorités militaires découvraient parmi ceux-ci une association d’espions ; le général Kaulbars trouva un jour de manœuvres dans le moulin à vent d’un meunier toutes les pièces démontées d’un pont militaire. Une association de Lodz, l’Association allemande de tir pour l’exercice du tir à la carabine, l’entraînement à la marche, l’acquisition de réserves d’armes et de munitions, entretient un vrai corps de francs-tireurs.

Sous Alexandre III le général Kosicz avait établi une carte spéciale des résidences allemandes qui détermina l’Empereur à des mesures restrictives contre les Allemands (oukases de 1887, 1888, 1892). Aujourd’hui, comme l’ont dit des députés russes à la Douma (1909), la police, inintelligente, favorise les menées pangermanistes. Le professeur russe Pogodine signale dans le Riecz que, si les sokols polonais sont suspendus, les associations gymnastiques allemandes ont été honorées de complimens du général gouverneur. Alors que les chants patriotiques polonais sont interdits, les Wacht am Rheine, Deutschland über Alles retentissent avec force sur le territoire russe. Les autorités locales accueillent avec des ovations les expéditions des hakatistes. On condamne les journaux polonais qui réclament la lutte contre le germanisme. La direction de l’instruction publique propose l’introduction de la langue allemande dans les écoles privées à la place du polonais. Et cependant, les comités slaves de Moscou et de Pétersbourg peuvent s’alarmer de ce que, à