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Cour, nous ne possédons, des autres chefs de mission accrédités à Paris, que des correspondances partielles, soit qu’ils se gardassent mieux que leur collègue prussien, soit que la surveillance dont ils étaient l’objet, péchât par le défaut d’audace et d’adresse.

En revanche, les dépêches qu’ils recevaient de leur gouvernement, celles aussi qui ne faisaient que traverser Paris pour aller dans d’autres capitales étaient soigneusement dépouillées. Grâce à la complicité des courriers grassement payée, la police pouvait en envoyer des copies au ministre des Affaires étrangères, et celui-ci les avait déjà lues quand les originaux parvenaient à leur destination. La correspondance de Metternich avec le prince Paul Esterhazy, ambassadeur d’Autriche à Londres, celle de leurs secrétaires, les lettres privées qu’ils ont mises sous le couvert diplomatique pour en assurer la transmission, tiennent la plus grande place dans ces découvertes qui livrent pêle-mêle au gouvernement français des secrets d’Etat, des révélations plus ou moins futiles, des aventures plus ou moins scandaleuses de grandes dames étrangères, ou celles d’illustres comédiennes telles que Mlle Georges et Mlle Bourgoin en représentation à Londres. Les épitres amoureuses qu’à partir de 1818 échange avec Metternich la princesse de Lieven n’échapperont pas à ce mauvais sort et révéleront à l’improviste la liaison du chancelier autrichien avec l’ambassadrice russe.

L’activité de la police politique ne s’exerce pas seulement en France. En même temps qu’elle s’attache aux pas du personnel étranger, si nombreux à Paris tant que dure l’occupation, les proscrits qui se sont réfugiés en Angleterre, en Belgique, dans les Pays-Bas appellent son attention. Elle entretient des agens secrets à Londres, à Bruxelles, dans la Prusse rhénane. Elle se crée des relations parmi les bannis, achète les services de certains d’entre eux. A Londres, elle pénètre dans l’entourage du Duc d’Orléans, dans celui du Duc de Bourbon. Elle se tient partout à l’affût des nouvelles qui viennent de Sainte-Hélène, car l’Empereur, sur son rocher, reste l’épouvantail de l’Europe monarchique. En un mot, elle est partout, voit tout, s’initie à tout. C’est par centaines que, de tous les points où une opposition est à redouter, arrivent au ministre de la Police des rapports révélateurs, accompagnés le plus souvent de pièces à l’appui.

Ce qui n’est pas moins extraordinaire que tant de précieuses