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secondaire. La politique, à Barcelone comme ailleurs, est commandée par des questions d’un autre ordre qu’elle-même et qui la dépassent. Pour moi, ce qui m’y a frappé avant toutes choses, c’est la renaissance et l’affirmation triomphante d’une nationalité, l’éveil d’un esprit nouveau, qui se traduit par un déploiement colossal d’activité, par une recrudescence de richesse matérielle, par une foule de tentatives vigoureuses et passionnées en art, en science et en littérature. Et c’est cela surtout qui me semble valoir la peine d’être dit !


II. — LES AVENUES FRANÇAISES DE LA CATALOGNE

Différons encore un peu le plaisir de l’admiration.

Si Barcelone et la Catalogne espagnole nous paraissent si belles au premier aspect, c’est que nous y arrivons déjà émerveillés et préparés à nous émerveiller davantage par toutes les beautés françaises, qui s’échelonnent pendant des lieues entre le Rhône et les Pyrénées. Cette longue voie infléchie selon les sinuosités du rivage méditerranéen est la plus royale avenue qu’on puisse rêver pour une métropole. On se souvient, en les traversant, que nos provinces maritimes du Sud firent autrefois partie du royaume presque légendaire de Majorque. Aujourd’hui encore, ce royaume dispersé garde, à travers mille nuances diverses et parfois contraires, une unité de couleur qui réjouit les yeux de l’artiste et qui réchauffe les vieux espoirs aux cœurs des poètes patriotes.

Et pourtant, ce riche et joyeux Midi du Roussillon et du Bas-Languedoc n’est guère connu, en tout cas, il n’est guère apprécié de nos voyageurs et de nos écrivains du Nord, — de tous ceux qui ne savent pas combien la France est belle. Le touriste n’y sévit point. Egoïstement, je m’en réjouirais, si la volupté de partager mes émotions ne l’emportait sur les inconvéniens de promiscuités fâcheuses. Pour ma part, je l’aime mieux que la Provence : il n’en a pas l’âpreté, et il est moins fatigué par la description. Sous un soleil aussi doré, il est plus vert, plus plantureux, plus regorgeant, plus chaud, plus éclatant, plus dégagé d’horizon, plus robuste de contours.

Par-dessus tout, j’aime, au crépuscule, la mélancolie de ses eaux dormantes. La côte basse, sans cesse rongée par le flot, n’est qu’un vaste parterre d’eau, où se mirent, en reflets infinis