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fait inscrire dans la loi un taux élevé ou des mesures draconiennes pour les gros revenus ou les grosses fortunes, on sera en état d’en demander graduellement l’application d’abord aux moyens, puis aux petits revenus, aux moyennes, puis aux petites fortunes. Le découragement et sa compagne l’apathie gagneront toutes les couches sociales qui constituaient la plus grande partie du capital et qui fondaient les entreprises. Les répercussions, non pas à la première heure sans doute, mais peu à peu s’abattront sur tout l’ensemble du pays.

De nouvelles prétentions singulièrement redoutables viennent de se faire jour dans le discours qu’a prononcé M. Cochery à la Chambre des députés le 18 novembre dernier. Il a d’abord déclaré qu’il était très regrettable que l’impôt sur le revenu n’existât pas, parce que toute difficulté financière serait supprimée, les Chambres n’ayant alors qu’à élever au niveau des besoins le taux de l’impôt. Voilà une déclaration réconfortante pour les malheureux contribuables assujettis à l’impôt complémentaire : ce sont eux qui pourvoiront, sans relâche, aux caprices et aux fantaisies du gouvernement et du Parlement. Le discours de M. Cochery contient, en outre, deux révélations saisissantes : le ministre s’est montré partisan du monopole de l’alcool et du monopole des assurances, non sans laisser entendre que d’autres monopoles pourraient suivre. Ainsi, l’État qui ne sait pas maintenir l’ordre dans ses arsenaux, ni tenir en main son personnel des postes, qui laisse dans le honteux désarroi que l’on sait l’industrie des téléphones qu’il a monopolisée, se prépare à accaparer encore d’autres industries. Ce serait une occasion, non seulement de nouvelles perceptions fiscales, mais de nouvelles fournées de fonctionnaires. L’État monopoliserait les assurances : quelles garanties aurait l’assuré quand il faudrait régler un sinistre ? L’État serait large pour les « bons électeurs, » il serait très dur pour les mauvais « électeurs. » Il introduirait aussi dans ce service la progression. La seule ressource qui resterait aux gens sérieux, ce serait de s’assurer le moins possible. Mais l’État prétendrait fixer, sans doute, le montant de l’assurance de chacun. Les objections se pressent nombreuses aussi contre le monopole d’État de l’alcool.

Voilà, cependant, les mesures qu’annonce pour demain M. Cochery. Son discours fait regretter M. Caillaux. Dieu nous garde des ministres anciens modérés ! Un ministre d’origine