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reproduits. En parlant de cette vicesima hæreditatum, il s’exprime ainsi : « Tributum tolerabile et facile hæeredibus duntaxat extraneis, domesticis grave ; tribut tolérable et facile pour les héritiers complètement étrangers, mais lourd pour les parens. » Et il ajoute : « aussi l’a-t-on imposé aux étrangers et en a-t-on exonéré les proches parens, videlicet quod manifestum erat, quanto cum dolore laturi, seu potius non laturi homines essent distringi aliquid et abradi bonis, quæ sanguine, gentilitate, sacrorum denique societate meruissent, quæque nunquam ut aliena et speranda, sed ut sua semperque possessa, ac deinceps proximo cuique transmittenda cepissent ; c’est pourquoi la taxe fut imposée à ceux-là (les étrangers), tandis qu’on en déchargea ceux-ci (les proches), parce que « il était manifeste avec quelle douleur ils auraient supporté ou plutôt ils n’auraient pas supporté qu’on enlevât et qu’on arrachât quelque chose au bien qu’ils avaient mérité par leur communauté de sang, de traditions divines et humaines et qu’ils avaient regardé toujours non pas comme des choses étrangères et objet d’espérance, mais comme leur appartenant déjà, comme toujours possédées par eux et devant être ensuite transmises au parent le plus proche. » C’est en ces termes frappans, décisifs, que s’exprime la sagesse antique ; c’est là aussi le principe de ce que, en notre droit, on appelle la saisine, de cette formule célèbre : Le mort saisit le vif, c’est-à-dire que la translation des biens du mort au parent le plus proche se fait d’elle-même, sans intermédiaire, sans investiture quelconque, fût-ce celle de l’Etat. Ce sont ces principes, consacrés par plus de vingt siècles de civilisation, malgré tant de péripéties sociales, que l’on prétend aujourd’hui supprimer.

Admettre un droit, quel qu’il soit, de succession en ligne directe, c’est déjà, on le voit, par cette opinion frappante des anciens et par l’exemple actuel de la Prusse, faire une concession sérieuse à l’Etat ; ce droit doit être maintenu dans les limites d’une très grande discrétion ; la contribution en ce cas doit être tout à fait légère. En ce qui concerne les successions dévolues à des étrangers, le droit peut être plus étendu ; mais il ne saurait être livré à l’arbitraire du gouvernement, à ses coups répétés et sans retenue ; il doit rester un impôt, un impôt sur les biens et, comme tel, avoir des limites analogues à celles où sont contenus les droits généraux sur le revenu et la fortune des vivans.