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notre antiquité nationale, mais l’antiquité en général qui devient un vaste champ d’étude pour les Bénédictins. Là Montfaucon multiplie des travaux qui valent presque à son nom la gloire de Mabillon. D’un autre côté, Dom Ruinart, par ses Acta martyrum, Dom Martene, par ses travaux sur la liturgie, portent leurs recherches vers l’antiquité chrétienne.

Les Bénédictins, dans les champs multiples de leur activité intellectuelle, ne poursuivaient qu’une chose, la vérité. Hommes d’église, prêtres, moines, ils surent conserver une parfaite indépendance de jugement, sachant bien que la vérité seule pouvait servir la cause à laquelle ils avaient voué leur vie. Et c’est parce qu’ils furent vrais, sincères, que notre siècle d’érudition a consacré leurs œuvres, soit en profitant des lumières et des recherches qu’ils y ont accumulées, soit en continuant certaines collections que la Révolution était venue interrompre. Malheureusement, celle Révolution les avait trouvés dégénérés. Saint-Maur n’est guère connu du public que par l’éclat de ses immenses publications. On oublie que cet ordre avait fait revivre et maintenu pendant un siècle la ferveur de la règle bénédictine. Ces religieux avaient alimenté à la n’anime de leurs convictions et des pratiques monastiques l’ardeur de leurs travaux scientifiques.

Un Bénédictin de la congrégation de Saint-Vanne, tronc dont s’était détaché Saint-Maur à l’aurore du XVIIe siècle, Dom Calmet, abbé et historien de Sénones, très connu par ses travaux d’Écriture sainte, avait composé pour lui cette épitaphe que les visiteurs de l’abbaye peuvent encore y lire : Multum laboravi, multum scripsi, multum oravi. Utinam bene. Qui pourrait désirer pour sa tombe une plus belle oraison funèbre ? Étude, écrits, prière, et par surcroît la modestie qui s’ignore, quelle ambition digne d’un parfait Bénédictin ! Elle fut longtemps celle de Saint-Vanne et de Saint-Maur. Mais vers la fin de l’ancien régime, ces deux congrégations, cette dernière encore plus que l’autre, — la commission des réguliers le constate et tous les documens en font foi, — étaient en proie au relâchement, et à des dissensions intestines qui avaient miné sa vitalité. C’est de Saint-Germain-des-Prés qu’était sorti en 1765, au grand scandale du public, un manifeste des moines contre l’habit de leur ordre. La dynastie des grands savans semblait éteinte dans cette maison illustre. L’âge héroïque des vastes publications était passé. Cependant telle est la force de l’impulsion donnée et de la tradition