Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Treilhard et, dans le cours des deux mois qui suivirent, discussion qui aboutit au décret du 13 février 1790 supprimant tous les instituts monastiques où s’émettaient les vœux solennels, permettant à tous les religieux et religieuses de quitter leur couvent, et ne conservant que quelques maisons pour ceux qui déclaraient vouloir persévérer dans la vie commune. Exception était faite pour les établissemens voués à l’éducation publique et à la charité qui étaient provisoirement maintenus. Enfin, les religieuses, bien que libres de quitter leur cloître, pouvaient continuer d’y vivre sans avoir à craindre, comme les religieux, d’être transplantées ailleurs. L’assemblée détermina, le 19 février 1790, le chiffre des pensions. Enfin, le 20 mars, fut voté un décret pour enjoindre aux officiers municipaux de se transporter dans toutes les maisons monastiques de leur circonscription. La facilité, la rapidité de ces destructions étonna les contemporains. « On souffle sur les corps réguliers, écrit alors un Dominicain, et ils vont disparaître comme la poussière. » « Il ne fallut qu’un jour, disait l’archevêque d’Aix, pour faire tomber ces grands établissemens qui, tels que leurs antiques édifices, semblaient avoir acquis par la succession des siècles une solidité que la main du temps ne pouvait plus détruire. »

Les débats de la Constituante, les lois votées contre les Congrégations avaient retenti dans tous les monastères du royaume. On s’y attendait avoir paraître à chaque instant les municipalités qui avaient reçu ordre de faire une enquête minutieuse dans les couvens, et d’ouvrir les portes à ceux qui voudraient en sortir. Le supérieur général des Cordeliers écrivait au comité ecclésiastique : « Les décrets déjà portés par l’auguste Assemblée nationale sur les ordres religieux ont jeté le découragement dans les cloîtres. Les individus sont inquiets ; ils vivent dans la plus grande langueur, ne pouvant présumer ce qu’ils seront. »

A considérer la stabilité plusieurs fois séculaire et le silence de ces demeures, qui aurait pu prédire un tel événement ? Ces abbayes que leur longue histoire, leur opulence, l’immensité de leurs bâtimens et de leurs domaines, leurs bienfaits, au besoin les menaces d’excommunication imposaient au respect de tous, les voilà menacées, envahies par des intrus. L’État, qui depuis le moyen âge consacrait de son autorité la législation canonique, et au besoin lançait sa maréchaussée aux trousses des rares déserteurs de la vie religieuse, l’Etat qui naguère retenait,