Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

international originel de la création et du développement du Gothard. Lorsqu’en mars et avril de cette année même 1999, les plénipotentiaires de l’Allemagne, de l’Italie et de la Suisse se sont réunis à Berne pour fixer les clauses du rachat de cette ligne ferrée, toute l’histoire des vicissitudes diplomatiques de ce grand tunnel est remontée, pour ainsi dire, du passé jusqu’à nous : l’image de Bismarck semblait encore planer au-dessus de ces délibérations techniques et financières. Après cette conférence si laborieuse et pénible, on peut se demander : L’ombre de cette image ne s’étend-elle pas encore sur le texte de la nouvelle convention libératrice ? Quelles sont les empreintes de la puissante pensée de l’heure première ?

On ne saurait comprendre le sens de ce nouveau traité qu’en résumant ici très brièvement l’origine des discussions et divisions entre cantons suisses au sujet des voies ferrées transalpines ; l’histoire qui précéda et prépara les délibérations devant les Chambres fédérales, l’histoire qui s’est un jour comme cristallisée en cette séance critique de juillet 1870 que nous avons à dessein replacée au premier plan, explique seule la suite historique dont la convention de 1909 est le plus récent retentissement.

La voie ferrée du Brenner, ouverte à la circulation en 1867, bordait et contournait la Suisse vers l’Est ; celle du Mont-Cenis, terminée en 1871, la bordait et la contournait vers l’Ouest. Les grandes Alpes suisses ne constituent pas une chaîne centrale unique, mais, en général, elles se décomposent en deux grandes masses montagneuses parallèles entre lesquelles s’étend un sillon profond qui est lui-même parallèle aux plis alpins. Dans ce sillon se rassemblent les eaux supérieures du Rhône et du Rhin, formant deux vallées dites longitudinales, dont les têtes sont toutes voisines du massif du Gothard et qui s’éloignent de plus en plus l’une de l’autre, l’une vers l’Ouest, et l’autre vers l’Est. Elles restent fidèles au grand sillon interne jusqu’à ce qu’elles se coudent brusquement pour franchir la chaîne extérieure du versant Nord des Alpes suisses et rejoindre, par un angle droit, le lac de Constance et le lac de Genève.

C’est seulement au massif du Gothard que le système des Alpes suisses est en apparence plus simple : là, grâce à deux vallées transversales dont la direction est exactement perpendiculaire à celle des hautes vallées du Rhin et du Rhône, grâce à la Reuss et au Tessin, le versant Nord des Alpes et le versant Sud ne sont