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un article. La meilleure manière de le résumer sera, peut-être, de citer deux noms pour lesquels M. Zangwill professe une révérence particulière et qu’il réconcilie dans une large synthèse, Moïse et Spinoza, l’organisateur et le penseur : l’un qui fait reposer les bases indestructibles de la morale sociale et privée sur la notion d’un Dieu unique et personnel ; l’autre qui enferme l’humain dans le divin et dont l’analyse, bien qu’impitoyable, laisse à l’homme assez d’intelligence pour connaître son devoir et assez de volonté pour l’accomplir. Comme la race juive a donné au monde antique l’exemple du monothéisme, elle apportera au monde moderne l’idéalisme supérieur qui est l’essence de la religion d’Israël, et qui peut seul conduire l’humanité vers ses véritables destinées. Le triomphe du christianisme n’a été que le prélude et l’annonce de la conquête du monde par l’idée juive. Le Messie ne sera pas un homme, mais le peuple juif tout entier. Comme l’a dit Henri Heine, « le peuple du Christ est le Christ des peuples. »

M. Zangwill compléta sa pensée en écrivant trois volumes sur la couverture desquels se lit encore ce nom magique du Ghetto, dont son premier succès avait fait une si puissante attraction : The Ghetto tragedies (1893), The Dreamers of the Ghetto (1898), The Ghetto comedies (1907). J’ai déjà fait de nombreux emprunts à ce dernier livre parce qu’il est le plus récent ouvrage publié par M. Zangwill et que, par conséquent, j’y crois trouver l’expression des idées auxquelles il s’est arrêté. The Dreamers of the Ghetto met en scène, sous des formes très variées de ton et de couleur, des épisodes de l’existence du judaïsme à différentes époques des temps modernes. C’est de l’histoire mise en roman, de l’histoire qui serait neuve, probablement, pour beaucoup de lecteurs français comme elle l’a été pour moi. Quant aux tragédies du Ghetto, elles contiennent un ou deux récits qui placent M. Zangwill au premier rang des conteurs. Lorsque j’essayais, tout à l’heure, d’esquisser devant le lecteur les Children of the Ghetto, le penseur m’a trop fait oublier l’artiste ; j’ai négligé l’émotion dramatique pour m’attacher à la peinture des caractères ou à l’exposition d’une thèse intéressante. Dans l’Incurable, il n’y a plus rien que le drame humain.

Nous sommes dans une salle d’hôpital, à l’heure où les malades reçoivent leur famille et leurs amis. On va, on vient, on