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L’ŒUVRE LITTÉRAIRE ET SOCIALE
D’ISRAËL ZANGWILL

J’ose toucher à la question juive, à cette question qui nous a tant divisés, tant aigris, tant agités depuis quelques années. Je l’aborde sans trouble parce que je ne sens en moi aucune de ces passions qui font trembler ou dévier la plume : rien que la sympathie curieuse pour tout effort honnête et généreux de l’intelligence, pour le labeur artistique et social qui tend vers un état meilleur de l’humanité. Une chose, d’ailleurs, me rassurerait pleinement, si j’étais inquiet : c’est qu’aucun des irritans sujets de discussion qui ont empoisonné notre vie publique et privée ne se rencontrera sur mon chemin. Avec l’homme dont je vais parler, le problème juif se pose sous un jour nouveau, ou, plutôt, c’est un nouveau problème. Ni les amis, ni les ennemis du judaïsme n’y reconnaîtront ce qu’ils ont obstinément défendu ou ardemment attaqué.


I

Le 14 février 1864 naissait à Londres un enfant appelé Israël Zangwill. Le prénom semblait déjà le prédestiner à devenir un symbole vivant, une incarnation de sa race. Le nom indique une origine lointaine, polonaise ou galicienne. J’ignore pourquoi la famille Zangwill était venue s’établir en Angleterre et depuis combien de temps elle y résidait. Par conséquent, je ne puis dire jusqu’à quel point elle avait subi la transformation désignée par le mot d’anglicisation. Ce mot, que je demande au lecteur la