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s’il n’est pas résolu à en demander le changement ; il n’a pas le droit d’attaquer le scrutin d’arrondissement dans des banquets et dans des réunions publiques et de le défendre, ou même seulement de s’y résigner, à la Chambre : contradiction déconcertante qui, pour sauver les débris de la majorité actuelle, jette le discrédit sur la Chambre prochaine et la condamne d’avance à l’impuissance ou à la dissolution.

M. Millerand, dans son discours, a dit encore un mot qui mérite d’être relevé : « La République n’a rien à redouter que des fautes de ses partisans. » Nouvelle confirmation du discours de Périgueux où, M. le président du Conseil a si bien expliqué que la République avait traversé la période militante, qu’elle était arrivée à la période triomphante, et que, dès lors, elle pouvait être généreuse et libérale impunément. Cependant elle l’a été autrefois plus qu’elle ne l’est aujourd’hui, et l’effort de nos Jacobins consiste surtout, en ce moment, à rogner quelques-unes des libertés que la République avait largement données à l’origine, et dans l’exercice desquelles elle s’est fondée. Comment ces libertés qui ne l’ont empêchée ni de naître, ni de grandir, ni de se fortifier, seraient-elles devenues plus dangereuses pour elle, maintenant qu’elle a atteint toute sa croissance et qu’elle n’a rien à craindre de ses adversaires vaincus et découragés ? Tous les gouvernemens antérieurs sont morts par leurs propres fautes : il y a là un avertissement pour la République actuelle, et il est bon qu’il lui soit adressé par un républicain avancé, par un socialiste avéré comme M. Millerand. Les radicaux-socialistes rêvent, en effet, de commettre une faute. Après avoir porté indirectement des atteintes sensibles à la liberté de l’enseignement, ils visent aujourd’hui directement son principe et proposent de la supprimer. Peut-être n’y a-t-il là de leur part qu’une manœuvre électorale. Nous avons déjà fait prévoir qu’à la veille des élections, ils chercheraient à réveiller la question religieuse et pousseraient à nouveau le vieux cri de guerre qui leur a souvent réussi : Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Ils n’ont plus de programme, et ils auront beaucoup de peine à en recomposer un qu’on prenne au sérieux avec les débris de tant de promesses qu’ils ont si souvent faites et qu’ils n’ont pas tenues. Mais la guerre au cléricalisme suffit à tout ! Voilà pourquoi les radicaux-socialistes ont affecté de prendre ombrage de la lettre que les évêques ont adressée aux pères de famille à l’occasion de certains livres scolaires dont ils ont condamné l’usage. Ils ont vu là, ils ont voulu y voir le commencement d’une campagne contre l’enseignement laïque, et ils ont proposé tout de suite des mesures défensives, des-