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ne semblent pas avoir été pourvus « des talens et des énergies qui font le triomphe d’un parti » et que possèdent les conspirateurs sérieux. Jamais, on peut le conjecturer sans crainte, on ne révélera dans Gaston de Renty, Garibal, Du Plessis-Montbard, Vincent de Paul, ni même probablement dans La Mothe-Fénelon ou le comte d’Albon, de dignes émules, inédits, du cardinal de Retz…

Mais ces réserves faites, il ne paraît pas possible, non plus, de se représenter la Compagnie du Saint-Sacrement comme aussi exempte, en son activité, de toute compromission politique, aussi purement spirituelle et idéaliste, en ses rapports avec le siècle, que d’Argenson le prétendait. Un tel désintéressement, après tout, et tellement immaculé, ne serait-il pas invraisemblable ? A une société, ardemment préoccupée à la fois du salut spirituel et du soin matériel des « peuples, » est-il possible, quand elle est puissante et nombreuse, de ne pas désirer la présence au pouvoir de ceux qui favorisent ses grands projets, de ne pas travailler à leur avènement ou à leur maintien, en d’autres termes, de ne pas « faire de la politique ? » Religieux ou laïque, mystique ou incrédule, le zèle propagandiste n’a pas de mérite à se cantonner rigoureusement, platoniquement, dans son domaine, tant qu’il est restreint dans son expansion ; mais, du moment où il s’élargit aux proportions où nous avons vu la Compagnie du Saint-Sacrement s’étendre, — du moment où il se réalise par des entreprises aussi vastes et aussi heureuses, — alors, forcément, il doit céder à la tentation de peser sur les choses du siècle.

Disons donc, en fin de compte, qu’assurément la Compagnie du Saint-Sacrement devra toujours, et avant tout, être considérée comme l’organe, trop persévéramment clandestin, trop habile, très fanatique, mais généreusement passionné et merveilleusement organisé, du catholicisme français en dehors de l’Eglise dans la France du XVIIe siècle. Mais si les petits faits concordans, dont nous venons de rassembler quelques-uns, se trouvaient confirmés par d’autres, ce ne serait point diminuer la valeur morale de cette grande tentative d’action catholique secrète que de voir en elle, — à côté de l’ennemie du Protestantisme, pieusement désireuse d’annihiler la Réforme protestante, à côté de la restauratrice du culte, de l’organisatrice des Missions, à côté du grand bureau chrétien de charité qu’elle