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Mais s’en abstint-elle d’une façon aussi rigoureuse et aussi absolue que la prétend Voyer d’Argenson, son avocat ?

Il y a une chose très sûre, c’est que, dans l’histoire politique de cette partie du XVIIe siècle, il est souvent question d’une « Cabale des Dévots. » Or, les membres et les actions de cette cabale, tels que des documens bien connus nous les font connaître, sont identiques aux membres et aux actes de la Compagnie du Saint-Sacrement, tels que les documens nouvellement retrouvés nous les révèlent. De cela les preuves abondent à travers Tassez long espace de temps limité par les dates de la naissance et de la mort, au moins apparente, de la Compagnie, — 1627 et 1666. — Prenons seulement la dernière année du règne de Louis XIII et les dix premières de celui de Louis XIV.

En 1642, à peine Richelieu a-t-il disparu, qu’autour de Louis XIII, mourant lui-même avec les sentimens de piété que l’on sait, une petite troupe de prêtres s’insinue sans bruit au pouvoir. Son chef est « M. Vincent, » chef timide, du reste, saint homme aussi dépouillé que possible d’ambition personnelle, dénué de goût pour « les affaires qui ne sont pas purement de Dieu, » sans entregent, sans influence sur les mondains de la Cour, qui se raillent de sa souquenille noire. Mais il a la confiance du roi Louis XIII, lequel, à la veille d’expirer, a témoigné que c’est ce saint qu’il veut pour purifier enfin l’Eglise. La veuve de Louis XIII se conforme à cette désignation, et le supérieur de la Mission, immédiatement chargé, par Anne d’Autriche régente, de toutes les affaires qui concernent les pauvres, est également placé par elle à la tête du Conseil de Conscience où se décident le choix des évêques et des abbés et la distribution des pensions et des bénéfices ; et il est même encore investi d’une espèce de surveillance des évêques, des congrégations, des Huguenots. Or ce « sous-secrétaire d’Etat nouveau, » ministre anonyme, et qui reste dans la pénombre, des affaires ecclésiastiques et charitables, M. Vincent, est de la « Compagnie. »

Bientôt les choses politiques se brouillent. Dès 1643, les féodaux, contenus par Richelieu, se revanchent, s’élancent au pouvoir, mais ils sont divisés. Les Bourbon-Condé veulent leur part plus grande. « Madame la Princesse » est âpre à déloger « les Importans. » Or quels sont les instrumens qu’elle emploie ?