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Montpensier ou de Madame de Motteville, les anecdotes de Tallemant des Réaux, les lettres de Guy Patin, les Courriers de la Fronde et les Mazarinades mentionnent çà et là, comme ayant joué, sur la scène publique, un bout de rôle. Que si, enfin, l’on regarde les « amis du dehors » de la Compagnie, les grands personnages dont le crédit ou la bourse lui étaient ouverts, tous, plus ou moins, « faisaient de la politique : » Chavigny, le président de Bailleul, l’abbé de Saint-Germain-des-Prés (Henri de Bourbon-Verneuil), les marquises de Séneçay et de Maignelay, la duchesse d’Aiguillon ; et surtout le prince dont le nom, sinon la personne, eut un si grand rôle dans la Fronde et servit à tant d’intrigues, l’oncle propre du Roi, le duc d’Orléans, qui, sans être membre de la Compagnie, se prêtait avec une complaisance surprenante à ses desseins, et, en revanche, nous l’avons vu[1], obtenait d’elle qu’elle fit, officieusement, la police de son apanage.

Et Voyer d’Argenson, l’historien apologiste de la Compagnie du Saint-Sacrement, raisonne mal, quand « faisant réflexion sur un si grand nombre de grands seigneurs, d’illustres magistrats, d’évêques, de gentilshommes qualifiés, et des plus remarquables officiers et bourgeois de Paris, » qui ont « composé » ou favorisé « cette Compagnie, » il se demande « d’où le ministère a pu prendre des soupçons et des jalousies » contre une association si honnêtement, si brillamment peuplée. Mais précisément, de cette quantité, et de cette « qualité ! » Mieux étaient fréquentées les réunions du Saint-Sacrement, plus elles étaient suspectes. D’une confrérie, eût-elle été publique, où se faisaient inscrire tant d’hommes de « condition, » et d’« hommes d’Etat, » les ministres ne pouvaient pas ne pas penser, — el Louis XIV tout le premier s’il la connut, — ce qu’ils pensèrent plus tard de Port-Royal, selon ce qu’avouait à un janséniste l’archevêque de Paris : « Cette maison avait trop de réputation ;… cela leur gagnait des amis qui s’unissaient et qui faisaient ensemble des pelotons contre l’Etat… Ces unions sont dangereuses dans un Etat : c’est ce que l’on a voulu dissiper. » — Les actes ou seulement la réputation de tant de membres de la Compagnie du Saint-Sacrement rejaillissaient sur elle, et eussent suffi pour la compromettre, à supposer même qu’elle se fût abstenue de toute intrusion dans les affaires politiques.

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.