Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Compagnie à la fin du règne de Louis XIV. Son histoire est un plaidoyer, où, il faut bien le dire, le récit démentait la thèse. La liste seule des noms de personnes qu’il lui fallait enregistrer, depuis l’origine jusqu’à l’année 1666, où il s’arrête, était propre à infirmer ses allégations optimistes. Sans doute, deux des fondateurs de la Compagnie, le P. Philippe d’Angoumois, capucin, et M. l’abbé de Grignan ne paraissent avoir été à aucun titre des hommes politiques. Mais il n’en était pas ainsi du troisième, de celui-là même auquel d’Argenson attribue la pensée primitive de l’œuvre. Henri de Lévis, duc de Ventadour, prince de Maubuisson, participait par sa naissance et par ses emplois aux grandes affaires. Ce fut à la Cour, et dans les emplois élevés, que les trois fondateurs cherchèrent leurs premiers adhérens : M. de Pichery, maître d’hôtel ordinaire du Roi, le P. Jean Suffren, confesseur du Roi et de la Reine mère, le marquis d’Andelot, lieutenant-général au gouvernement de Champagne, Jean de Galard de Brassac, qui allait être ministre d’Etat. Parmi ceux qu’ils choisirent dans l’Eglise, c’était, sans doute, un pur « spirituel » que le P. de Condren, mais le P. de Condren était aussi le directeur de conscience de M. de Bérulle. « Ce grand cardinal avait tant de respect pour lui qu’il l’honorait comme une relique vivante. » Or, on sait combien Bérulle était mêlé aux luttes gouvernementales de son temps, et tout le système qu’il représentait à la Cour de Louis XIII[1]. Si Condren ne faisait pas de politique, il pouvait être l’agent utile de la politique de Bérulle, lequel, par son intermédiaire, se trouvait « diriger tout ce qu’il y avait de saint dans Paris, » M. Olier, M. de Renty. Du seul fait de la présence de Condren dans ses rangs, la Compagnie du Saint-Sacrement prenait, dès 1627, une « couleur » politique.

Parmi les adhérens qui lui vinrent ensuite, beaucoup continuaient de l’ « engager » de la même façon, soit que, personnellement, ils eussent une part dans les « affaires d’Etat, » soit qu’ils appartinssent à des familles qui y étaient constamment mêlées. Là-dessus l’Index de la Relation de Voyer d’Argenson, dans l’édition de dom Beauchet-Filleau, — celui des lettres de décès ou autres, adressées par la Compagnie de Marseille à celle de Paris, — celui des procès-verbaux de Limoges, de

  1. Voyez II. Mariéjol, Histoire de France Lavisse, t. VI, p. 235 et suivantes.