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Le bon avocat de province a plié dessous. Il a des transitions qui révèlent comme il s’égare plutôt qu’elles ne montrent comment il se conduit. Il se contredit quand il croit se confirmer. La doctrine flotte, fléchit, montre des lacunes. Rien ne peut moins créer une conviction. Le sophisme abonde. Parce que M. de Falloux accepte 1789, il paraît qu’il est « étouffé par la logique » et forcé d’accepter 1793. Michel invente « le bloc. » Il s’écrie : « Est-ce qu’il n’y a que 1789 dans notre Révolution ? Est-ce que 1790, 1791, 1792, 1793, 1794, est-ce que tout cela n’appartient pas à la Révolution ? Ah ! vous croyez que nous séparons ces choses-là ! » On lui crie : « Nous savons bien que vous ne les séparez pas ! » Et il dit : « La République renie 93 qui n’est pas la République ; la Révolution invoque 93 qui la défend contre vos attaques. » Et j’avoue que je ne comprends plus du tout. — Il reproche à la Restauration d’avoir confié l’enseignement public, non seulement « au clergé, » mais « aux jésuites. » — « Au contraire ! dit M. de la Rochejaquelein. — Comment ! Au contraire !… — Sans doute ! Les ordonnances de 1828 ! — Ah ! s’écrie Michel, les ordonnances de 1828 ! Si je vous apportais ici l’immense tas de brochures et d’écrits qu’ont soulevés ces ordonnances ? Etaient-elles, ces réclamations et ces remontrances, en faveur de l’Université ? Non, elles étaient en faveur des Jésuites. » Et voilà la Restauration convaincue d’avoir donné l’enseignement public aux Jésuites parce que les amis des Jésuites lui reprochaient de les en avoir écartés. « Oli ! c’est trop fort ! » s’écrie M. de la Rochejaquelein. — Mais non, ce n’est pas trop fort ; c’est un peu faible. Tout le discours, à bien peu près, est fait de ces arguties qui ne sont pas loin d’avoir quelque chose de puéril[1].

  1. A propos de ce discours, quelque chose m’embarrasse que je soumets à M. Louis Martin et à l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux. J’ai lu, je n’ai plus en ma possession, un petit volume où étaient réunis les Discours politiques de Victor Hugo de 1849 à 1852. Il y avait un discours sur la révision de la Constitution. Or, certaines phrases, très caractéristiques, que j’ai retenues de ce discours de Victor Hugo, je les retrouve dans le discours de Michel de Bourges publié par M. Louis Martin, notamment celles-ci (début) : « Messieurs, cette tribune est-elle aussi redoutable qu’on l’a dit ? Elle l’est toujours pour moi ; car de cette hauteur du monde intellectuel, il ne devrait tomber que des paroles dignes du peuple auquel elles s’adressent… » et, au milieu du discours : « Eh bien ! quant à nous, nous respectons, nous honorons les Girondins éloquens qui proclamèrent la République et les Montagnards superbes qui la sauvèrent… » Je fais mon enquête. Les deux phrases en question ne sont ni dans le discours de Victor Hugo au Moniteur (17 juillet 1851), ni dans les Œuvres oratoires de Victor Hugo (Bruxelles, 1863), mais dans le petit volume que je lisais en 1865 je suis absolument sûr qu’elles y étaient. Reste à retrouver ce petit volume. Quelqu’un doit l’avoir.