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contraire, il y a des métiers qui gisent plus en la peine du corps qu’au trafic de la marchandise, ny en la subtilité de l’esprit, et ceux-là sont les plus vils. » A plus forte raison, pour cette masse confuse de muscles, pour cette vague humanité, qui, elle, ne se qualifie absolument que par la peine, « pour ceux qui ne font ny métier ni marchandise, et qui gaignent leur vie avec le travail de leurs bras, que nous appelions partout gens de bras, ou mercenaires, comme les crocheteurs, aydes à masson, chartiers et autres gens de journée, sont tous les plus vils du menu peuple, car il n’y a point de plus mauvaise vacation, que de n’avoir point de vacation. » — Voilà, en opposition à la profession organisée, ce que nous, aujourd’hui, nous appelons « le travail inorganisé. » Et de même que l’on ne peut pas dire qu’entre l’un et l’autre il n’y ait pas de heurt, on ne peut pas dire non plus que, pour la société, il n’y ait pas de crise ; la conclusion de Loyseau nous la dénonce : « Encore ceux qui s’occupent à gagner leur vie à la sueur de leur corps, selon le commandement de Dieu, concède-t-il, sont-ils grandement à maintenir, au prix de tant de mendians valides, dont notre France est à présent toute remplie, à cause de l’excès des tailles, qui contraint les gens de besogne d’aimer mieux tout quitter et se rendre vagabonds et gueux, pour vivre en oisiveté et sans soucy aux dépens d’autruy, que de travailler continuellement sans rien profiter et amasser, que pour payer leur taille. A quoy si on ne donne ordre en bref, il arrivera deux inconvéniens, par la multiplication énorme qui se fait journellement de cette racaille : à sçavoir que les besognes des champs demeureront, faute d’hommes qui s’y veuillent employer : l’autre, que les voyageurs ne seront plus en asseurance par les chemins, ny les gens des champs en leurs maisons. » C’est donc, par quelques-unes de ses faiblesses et de ses plaies, une société semblable à la nôtre beaucoup plus qu’on ne le croirait ; mais c’est, en même temps, une société très différente de la nôtre, par sa structure interne, par les cloisons multiples qui la partagent. Le Tiers-Etat n’y est pas tout, il n’y est pas rien, une partie au moins du Tiers-Etat y est ou peut y être quelque chose. « Mais au Tiers-Etat, il y a tant de diverses sortes d’ordres particuliers, et aussi tant de menus offices, qu’il est bien malaisé de particulariser le rang de chacun d’eux, si encore le rang des ordres parmy les offices, tant ils sont embarrassés les uns dans les autres. Et bien que le président