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réputons aujourd’huy les laboureurs et tous autres gens de village, que nous appelons paysans, personnes viles. »

Personnes viles également, les artisans et gens de métier. Ce sont « ceux qui exercent les arts mécaniques, ainsi appelez à la distinction des arts libéraux : parce que les mécaniques estoient autrefois exercez par les serfs et esclaves. » Ici, une définition en quelque sorte retournée. « Et de fait, nous appelions communément mécanique ce qui est vil et abject. » Mais ces arts inférieurs, des maîtrises les relèvent : « Néanmoins, parco qu’à ces arts mécaniques il gist beaucoup d’industrie, on y a fait des maîtrises, ainsi qu’aux arts libéraux. » Loyseau résume ensuite les conditions requises pour être reçu maître, telles qu’elles sont fixées par l’ordonnance (de 1581 ou de 1597), telles d’ailleurs qu’on les connaît ; et il approuve notamment l’obligation du chef-d’œuvre. « Chose très bien instituée, dit-il, tant afin qu’aucun ne soit receu maistre, qui ne sçache fort bien son métier, qu’afin aussi que les maistres ne manquent ny d’apprentifs, ny de compaignons, pour les ayder à leurs ouvrages. » Le malheur est que les meilleures institutions se corrompent : « Toutefois ce bel ordre se perd, du moins aux petites villes, par le moyen des maistrises de lettres, qui sont dispenses tant d’apprentissage, bachelerie[1], que du chef-d’œuvre, lesquelles le Roy baille à son avènement à la Couronne, la Reyne après son mariage, M. le Dauphin et encore maintenant les autres enfans du Roy masles ou femelles, après leur naissance ou la Reyne, pour eux, et finalement le premier Prince du sang après sa déclaration. Ce qui est provenu de ce que, comme les officiers domestiques de ces princes sont privilégiez, aussi les artisans qu’ils choisissoient autrefois de chacun métier pour les servir estoient présumez dignes d’estre maistres. » Petite cause, mais qui ne sera pas de petite conséquence : « Et cela s’est augmenté de telle façon, qu’enfin on a toléré que ces Princes donnent une lettre de retenue de chacun métier en chacune ville jurée, mais à présent le Roy leur donne pouvoir d’en bailler deux, et quelquefois trois : et encore on fait naître tant de nouveaux sujets pour donner ces lettres, qu’il n’y a pas assez d’artisans pour les lever dans les petites villes, en la plupart des métiers. De sorte qu’à la fin tous les artisans deviendront comme officiers du Roy et des

  1. On appelait anciennement bachelier le prétendant et aspirant à la maîtrise Loyseau, ouvr. et passage cités.