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siècle, avec les nécessités du Trésor : au XVIIIe siècle, elle bat son plein, car « la science fiscale » n’a pas attendu nos jours, fortunés ou infortunés, pour nous découvrir ses merveilles. Contre les métiers, et à leurs dépens, sous mille prétextes plus ingénieux les uns que les autres, de mille sources et sous mille formes, la fiscalité jaillit, s’amasse, se déploie ; elle les fouette à jet brisé ou continu. Mais, la question de fiscalité mise à part, les relations de la monarchie et de la corporation sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Ces deux forces sont tantôt en union, tantôt en lutte. Une noble page de l’histoire des métiers serait celle où l’on raconterait la scène du 4 août 1636, lorsque Richelieu, à l’approche des Impériaux, ayant fait convoquer au Louvre toutes les corporations et leur ayant demandé de sauver Paris et le royaume, elles lui répondirent avec un élan si enthousiaste que le roi Louis XIII ne put se retenir d’embrasser le syndic des savetiers, et que maîtres, valets, apprentis, coururent en foule, au sortir de l’audience, s’enrôler dans l’armée du maréchal de la Force. La gratitude royale n’empêcha pas du reste que les Six-Corps, — cette aristocratie professionnelle que nous avons vue naître en 1431 et qui, depuis lors, avait grandi, — ne fussent frappés d’un impôt de 700 000 à 800 000 livres, à répartir entre leurs membres, outre, bien entendu, les impôts généraux dont ils avaient à supporter leur part[1]. Et le loyalisme des métiers n’empêcha pas davantage que, mécontens de l’édit sur le rachat des censives, ils n’eussent pour la Fronde, au début du moins, mieux que des sourires, ravis au surplus de 1 honneur que le Parlement leur faisait eu les y associant ; mais, obligés de payer cet honneur, ils inclinèrent vite à la conciliation. A ce moment, on comptait à Paris 120 corps de métiers ; l’édit de 1673, rappelant et renouvelant ceux de 1581 et de 1597, en énumère 73 officiellement reconnus ; et, après ledit de 1691, on en peut distinguer 127, rangés en quatre classes. Il suit de là, pour peu qu’on en rapproche la liste de la nomenclature complète des professions, — qui, dès l’an 1300, s’élevaient, à Paris, au nombre de 450 environ[2], — que les ordonnances de 1581 et de 1597 n’avaient jamais été strictement obéies, et que

  1. 1646. Taxe remplacée en août 1647 par un octroi sur les marchandises entrant dans Paris.
  2. Exactement 447, d’après le rôle de la taille de l’an 1300, publié par M. G. Fagniez, ouvrage cité.