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est le banqueroutier qui s’y cache pour guetter le client. » Une autre brochure, L’Allemagne présomptueuse, dénonçait les abus de la politique mondiale. Jamais de telles paroles n’avaient été prononcées. Jamais elles n’avaient rencontré approbation aussi unanime. Et le discours tenu à Breslau par l’Empereur en septembre, sa charge à fond : « A la porte, les pessimistes ! » accusait encore le conflit qu’elles révélaient.

Dans ce trouble moral, l’intrigue trouvait à pêcher. Le Centre, largement payé du concours qu’il avait prêté au gouvernement, jugeait que l’heure était venue d’affirmer la nécessité de ce concours par de croissantes exigences et quelque indépendance d’allure. Il avait obtenu en Prusse un grand succès par le vote d’une loi d’enseignement primaire nettement confessionnelle[1]. En revanche, la politique antipolonaise du gouvernement le gênait de plus en plus. Enfin il était irrité des résistances inattendues que rencontrait son intervention traditionnelle dans les affaires coloniales. Tous ces motifs concordans le décidèrent à se mettre en mouvement. L’heure était mal choisie. Car autour de l’Empereur, surtout autour de l’Impératrice, profondément et activement protestante, on commençait à s’émouvoir du joug catholique pesant sur le Reichstag et sur la chancellerie. D’abord, en août 1906, entre la majorité et le gouvernement, on put croire qu’il ne s’agissait que de querelles d’amoureux, nourries par l’agitation juvénile du député Erzberger. En septembre, M. Spahn n’était-il pas à Norderney l’hôte du chancelier ? La querelle s’aigrit pourtant à la rentrée par les répliques du nouveau ministre des Colonies, M. Dernburg, homme nouveau, homme d’affaires, Israélite, antipathique à tous ces titres aux orateurs du Centre.

C’est le Centre qui, en mai 1906, avait fait repousser en troisième lecture la loi créant un ministère des Colonies au profit du prince de Hohenlohe-Langenburg, protestant notoire, mal vu dans le monde catholique. Le 26 du même mois, il avait refusé de voter 5 millions de crédits demandés pour le chemin de fer de l’Ouest africain. A la rentrée d’automne, il poursuivit cette opposition hargneuse. Au gouvernement qui réclamait le maintien en Afrique d’un effectif de 8 000 hommes et 29 millions de crédits, il répliqua par d’amères attaques, que soutinrent, par

  1. Chambre des députés de Prusse, 28 mai 1906.