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l’hypothèse ingénieuse que M. Victor Junk a cru pouvoir tirer du petit « plan » découvert outre les papiers du poète. Et voici, d’abord, ce « plan » lui-même, assez caractéristique dans son élégante concision. pour valoir d’être reproduit tout entier :


PETIT PAYSAGE. — Sarastro et les Enfans.
PAYSAGE PROFOND. — Le Génie, Pamina, Tamino. — Papagena, Monostates. — Papageno, Papagena, les Enfans. — Le Génie est pris. — Les mêmes, Pamina, Tamino. — Les mêmes, Monostatos.
SCENE NOCTURNE AVEC METEORES, — La Reine, Sarastro. — La Reine, Monostatos. — Le combat. — Tamino est vainqueur. — Papageno en armure.
LE PALAIS, NETTOYE ET ORNE. — Femmes et jeux d’enfans. — Monostatos sous terre. — L’incendie.
PRISON. — Les Vaincus, Prêtres.


Ce qui signifie en premier lieu, d’après M. Junk, que Sarastro doit confier aux enfans de Papageno la mission d’apprivoiser le Génie, — incarnation nouvelle de l’enfant de Tamino, — afin de permettre à celui-ci de s’en emparer. Et ce projet réussit dès la scène seconde, où. Goethe lui-même nous affirme que « le Génie est pris. » Mais alors survient Monostatos, qui déjà tout à l’heure a tenté de séduire Papagena, et ne peut se résigner à sacrifier son désir de vengeance. Dans la scène qui vient ensuite, après un entretien solennel de la Reine de la Nuit et de Sarastro, représentant les deux principes opposés des Ténèbres et de la Lumière, un « combat » s’engage, d’où « Tamino sort vainqueur : » et Papageno, tout exalté de cette victoire, s’enorgueillit comiquement d’une « armure » qui, peut-être, ne l’aura pas empêché de se tenir prudemment caché pendant la bataille. Quant aux deux derniers tableaux, ils doivent correspondre aux scènes finales de l’opéra de Mozart, où nous voyons la Reine et Monostatos résolus à risquer un assaut suprême, et où les auteurs terminent le spectacle par une façon d’ « apothéose. » Au moment où des femmes s’occupent à « nettoyer et à orner » le palais de Tamino, tandis que les « enfans » animent la scène de leurs « jeux, » Monostatos, qui s’est blotti « sous terre, » tente vainement l’« incendie » du palais détesté et de ses habitans. Après quoi une « apothéose, » probablement chantée par tous les personnages de la pièce, nous représente à la fois les « vaincus » et les « prêtres » vainqueurs, sans que rien nous empêche d’imaginer ceux-ci pardonnant à ceux-là.

Une vingtaine de vers ou de petits passages isolés, également découverts parmi les manuscrits de Goethe, semblent prêter encore plus de poids à cette interprétation ; et certes, M. Junk a raison de