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la Compagnie du Saint-Sacrement, eut toujours une couleur janséniste. J’incline donc à croire que, de gré ou de force, la Compagnie du Saint-Sacrement, même après 1653, ne s’épura pas complètement de ceux de ses membres qui avaient de l’affection pour Saint-Cyran, Arnauld et Port-Royal, et que, volontairement ou non, elle demeura assez éclectique en son recrutement.

Aussi bien faut-il chercher ailleurs que dans un envahissement des Jésuites et de leurs partisans la raison de ses mauvais rapports avec le Jansénisme, mauvais rapports antérieurs, du reste, à la grande bataille de 1650-1661 entre les Jésuites et les Jansénistes et aux décisions d’Innocent X (1653) contre les disciples de Saint-Cyran. Dès 16i9, rapporte d’Argenson, un des membres de la Compagnie qui étaient le plus pénétrés de son esprit, M. de Renty, donnait sur son lit de mort à ses intimes amis le conseil de se détacher des opinions du Jansénisme, bien qu’elles ne fussent pas encore condamnées. Si elles le furent quelques années après, ce fut, d’après le P. Rapin, — dont on n’a ici nulle raison de suspecter le témoignage, — l’antipathie de la Compagnie du Saint-Sacrement qui provoqua, dans une certaine mesure, les verdicts de la Sorbonne et de Rome. « Les plus intelligens de la Compagnie, dit-il expressément, résolurent de travailler à la condamnation de la doctrine janséniste, » parce que, ajoute-t-il, « ils en connaissaient à fond les dangereuses suites. » C’est bien cela : il y avait dans leur opposition une idée. Laquelle ?

Un des premiers membres de la Compagnie du Saint-Sacrement, le père de son historien, « M. d’Argenson, conseiller ordinaire du Roy en son Conseil d’Etat, » écrivant en l’année 1640, « pendant sa prison au château de Milan, » un édifiant traité de la Sagesse, remarque qu’il s’élève parfois « entre les personnes pieuses, une diversité d’opinions » si chaleureuse qu’elle produit entre elles de « mauvaises émulations » et des « jalousies » implacables. Ce fut le cas ici. Sur un programme commun, il y eut entre les Jansénistes et la Compagnie « diversité d’opinions ; » il y eut, sur l’exécution de ce programme, « mauvaise émulation. » De l’association du Saint-Sacrement et de la famille des « disciples de saint Augustin » le point de départ est le même : une vue nette, une douleur vive de l’état où est l’Eglise de France au commencement du XVIIe siècle. Leur but est le même : purifier,