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LE PRINCE DE BÜLOW.

avec M. Rouvier. En 1906, c’est la Conférence d’Algésiras. Si le peuple allemand n’avait pas trouvé dans les années précédentes un suffisant aliment à son appétit national, le chancelier cette fois le dédommage. Sous son archet vibrent toutes les cordes du patriotisme. La menace de la guerre enfièvre les esprits. L’Allemagne se sent émue à l’annonce de « l’atteinte portée à son prestige. » Et l’ « encerclement » proclamé réveille dans les cœurs le cri traditionnel : Deutschland uber alles !

Ce furent, à l’intérieur, des années d’un intérêt médiocre et d’une pâle couleur, où la politique se traîna parmi les divisions monotones des partis et le règlement au jour le jour d’incidens secondaires. Si l’on avait cru, au lendemain des élections, à une affirmation pratique de la force socialiste, l’événement n’eût pas tardé à démentir cette prévision. Au sein du parti vainqueur, ce n’étaient, tant au Congrès de Dresde de 1903 qu’au Congrès de Brême de 1904, que polémiques et querelles personnelles : querelle entre Bernstein et Kautsky sur la question de savoir si un socialiste peut devenir vice-président du Reichstag et, à ce titre, aller à la Cour (juillet-octobre 1903) ; querelle entre Bebel et Vollmar sur la légitimité du réformisme ; querelle entre Bebel et Braun (novembre 1903), entre Südekum et Mehring (septembre 1904). Au total, la stagnation ; un complet échec électoral aux élections législatives prussiennes ; une impuissance radicale à soulever le Reichstag contre les mesures de police prises par le gouvernement à l’égard des réfugiés russes (procès de Kœnigsberg) ; en un mot, un succès d’un jour avec un lendemain stérile.

Du côté gouvernemental, une politique d’inachèvement et de transaction. Tout d’abord, la négociation laborieuse et pénible des traités de commerce, que le Reichstag fut appelé à sanctionner dans sa session de 1905 ; un essai de réforme financière, qui se manifesta par la substitution au Trésor de M. de Stenge] à M. de Thielman (août 1903), par des conférences préparatoires avec les représentans des Etats (octobre 1903), mais qui, en un an, n’aboutit qu’à la constatation d’un déficit de 100 millions et à l’annonce d’un nouvel emprunt. Au Reichstag, le vote de la loi sur le recrutement, le service de deux ans et l’augmentation de l’effectif ; au Landtag prussien, l’adoption du projet de canal repoussé en 1901, adoption achetée d’ailleurs au prix d’une mutilation du projet ; enfin l’approbation de nouvelles dispositions