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modifié toutefois par la suppression du Parlement du Cap.

La Constitution prescrit que les droits électoraux s’exerceront dans chaque province sur les bases actuellement existantes, mais nul ne pourra se porter candidat aux élections à l’une des deux Chambres, s’il n’est (outre les autres conditions requises) sujet britannique d’origine européenne. Ainsi, les indigènes du Cap pourront continuer à être électeurs, sans pouvoir être éligibles, et dans les autres provinces, ils ne seront ni électeurs, ni éligibles. C’est une solution provisoire.

Ainsi qu’on l’a vu plus haut, les termes de la Constitution sud-africaine ne sont pas immuables. Les circonstances actuelles peuvent justifier l’exclusion totale des indigènes du gouvernement des affaires de l’Union, auxquelles bien peu d’entre eux seraient aptes à participer. Mais, dans quelques années, la question se posera de nouveau pour certaines catégories de natifs et d’immigrans de couleur, sans parler de celle de l’électorat féminin qui viendra à son tour, comme en Australie, et que la partie hollandaise de la population aura intérêt à résoudre dans le même sens. Il ne faut donc voir dans la démarcation établie sur la « couleur, » telle que l’a maintenue la Constitution sud-africaine, qu’un expédient conforme aux nécessités présentes. L’avenir du pays paraît être plutôt dans une marche progressive vers l’application de la formule énoncée par Cecil Rhodes à propos de cette même contrée : Equal rights for all civilized men, c’est-à-dire : le droit de citoyen égal pour tous les civilisés de toutes races.

La concession de l’égalité des droits électoraux dans les circonscriptions rurales et urbaines, faite par le parti boër au parti anglais, a trouvé sa compensation dans une concession réciproque au sujet de l’égalité des langues. Il est anormal, même extraordinaire, que la langue parlée par la majorité européenne de la population soit placée officiellement dans une situation d’infériorité vis-à-vis de la langue de la minorité. Telle était cependant la prétention émise avant l’émancipation des colonies annexées et soutenue jusqu’en ces derniers temps par une fraction des progressistes. L’argument invoqué était que la langue hollandaise, inférieure à la langue anglaise, était destinée à disparaître de l’Afrique du Sud. Mieux valait donc que ce fût le plus tôt possible. La Constitution octroyée au Transvaal en 1905 reflétait cette manière de voir, inacceptable pour les Boërs.