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la situation et se sentait prêt à en profiter. Il y risquait sans doute, — notamment contre les Polonais, — d’oublier la maxime de Windthorst que jamais le parti catholique ne devait se prêter à opprimer une minorité. Mais que de bénéfices en Allemagne et hors d’Allemagne devait lui rapporter un opportunisme, conforme d’ailleurs aux directions de Léon XIII !

Les premiers mois de 1903 accusèrent ce rapprochement. En février, le chancelier déclara au Reichstag que, sans vouloir abroger la loi d’exil contre la Compagnie de Jésus, il était prêt à autoriser individuellement le séjour des Jésuites en Allemagne[1]. En mars, quand Mgr Korum, évêque de Trêves, dénonça à ses ouailles l’école supérieure mixte de jeunes filles fondée par l’Etat dans son diocèse, M. de Bülow se borna à prier la Curie de conseiller à ce prélat plus de mesure[2] : ce qui permit à M. Barth de dire qu’un évêque français, qui eût tenu le même langage, eût été traité d’autre façon. On vit le comte de Crailsheim, président du Conseil bavarois et protestant, remplacé par un catholique. On vit le baron de Hertling, chef du Centre, réussir au Vatican la difficile négociation tendant à créer à Strasbourg une Faculté catholique. On vit l’Empereur lui-même, entouré d’une escorte de cuirassiers blancs, aller porter au Pape, peu de temps avant sa mort, l’hommage de sa ferveur impériale et chrétienne. L’affaire du tarif portait ses fruits. Elle scellait plus étroitement la solidarité du catholicisme et du pouvoir, provoquant les colères des protestans défians de la Gazette de Voss, préparant en revanche, pour un chancelier ennemi des difficultés, la plus sûre des majorités[3].

En même temps, s’aggravait la crise, ancienne déjà, du libéralisme allemand. Provoquée surtout par des rivalités de personnes, cette crise avait éclaté dans la discussion du tarif. Mommsen avait, en décembre 1902, publié dans la Nation un violent manifeste : Ce qui peut encore nous sauver. Le professeur de Liszt, de l’Union libérale, lui avait répondu dans la Gazette de Voss. Tandis que Mommsen, dénonçant les nationaux-libéraux comme traîtres au libéralisme, prêchait l’alliance avec les socialistes,

  1. Reichstag, 3 février 1903.
  2. Chambre des députés de Prusse, 2 mars 1903.)
  3. C’est cette même majorité qui permit au chancelier de poursuivre au Landtag sa politique antipolonaise (Voyez dans la Revue du 1er  novembre et du 1er  décembre 1908 1es articles de M. H. Moysset sur la Politique de la Prusse et les Polonais.)