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une religion qui ne pense plus est effectivement une religion finie. Il n’en est pas de même chez les Orientaux. À cause de l’hostilité permanente dont leurs religions sont entourées, l’activité de chaque confession s’est tournée du dedans au dehors. Elles se sont raidies dans la croyance littérale, comme dans une carapace à l’épreuve de l’ennemi. Moins ces confessions dépensent de pensée et de spiritualité, plus elles emploient d’ardeur fanatique à maintenir intacte la lettre de leur foi, plus elles deviennent intransigeantes et irréductibles sur les questions de forme.

Ni persécutions, ni massacres, ni sollicitations flatteuses, rien n’a pu les entamer. Elles-mêmes ne cherchent point à se modifier ni à s’amender, quand elles le pourraient sans inconvéniens. On dirait que la contagion léthargique de l’Islam les a touchées. Pour que deux ou trois parmi ces communautés reprissent un peu de vie intérieure, il a fallu le stimulant de l’activité occidentale. Rome s’en est mêlée. L’Église catholique a ramené dans son giron quelques schismatiques plus ou moins entachés d’hérésie. Elle a su faire accepter son obédience aux Maronites, à quelques Syriens, à quelques Coptes et Arméniens : elle a refondu dans son moule ces chrétiens douteux.

La tâche n’était pas commode. Outre la répugnance de l’Oriental à subir le joug latin, nos religieux ont eu à lutter contre un encroûtement inimaginable d’ignorance et de grossièreté. Les Coptes, en particulier, avaient à peu près oublié leur credo chrétien, tout en restant Chrétiens avec obstination. Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre eux ne se distinguent des Musulmans que par une croix tatouée sur le pouce. Les uns jurent par Aïssa (Jésus), les autres par Mohammed : voilà toute la différence ! En Syrie, la tâche était presque aussi difficile. Les Jésuites s’y sont dévoués avec un zèle et un succès réellement admirables. Ils ont dû réformer les mœurs du clergé, lui imposer une discipline, rendre un peu de dignité au culte comme aux prêtres. C’est une surveillance constante et parfois très pénible. Tels de leurs Pères s’astreignent à parcourir les bourgades montagnardes du Liban, pour confesser les curés isolés, prêcher dans leurs langues des populations perdues. Et les chemins sont atroces, quand il y en a, les mulets rétifs, la route longue et les gîtes plus que sommaires !

Où j’ai le mieux constaté la force de leur influence, c’est à