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Et puis, au milieu de l’inattention générale, la petite porte de l’iconostase s’entr’ouvre, livrant passage au prêtre, un grand vieillard débonnaire, à barbe blanche. Il est tout de blanc vêtu-, en longue simarre traînante, brodée d’une croix devant et derrière. Ses pieds portent des chaussettes blanches, et à sa ceinture pend un large mouchoir d’invalide, jaune et bleu, où il se mouche de temps en temps avec ostentation. Il évolue, à pas muets, au milieu des poules, des moineaux, des pigeons, des groupes de gens accroupis, en balançant un encensoir devant le pupitre, puis devant l’iconostase, devant Saint-Antoine et devant Saint-Pacôme, enfin devant l’autel qu’on aperçoit par la petite porte, un instant entre-bâillée. Cet autel est drapé de somptueux oripeaux : descentes de lit, carrés d’andrinople, cotonnades pour négresses ! Mais c’est à peine si j’ai le temps d’admirer ces magnificences. Bien vite, le prêtre rentre dans le sanctuaire et la porte se referme.

Infatigable, l’enfant de chœur chante d’une voix de plus en plus aiguë devant son pupitre. Les vagissemens éperdus d’un bébé, qu’une femme apporte tout enveloppé de langes, ne l’interrompent point. Je comprends qu’il s’agit d’un baptême. Comment ? un baptême en pleine messe de l’Ascension !… Mon Dieu, oui ! ces braves Coptes ne s’embarrassent pas pour si peu. Le prêtre, toujours en chaussettes, ressort de l’iconostase et s’en va bien tranquillement baptiser le poupon, derrière le grillage mystérieux qui abrite les femmes. Hélas ! je ne pourrai pas voir la cérémonie ! Alors, comme pour me consoler, un grand gaillard osseux, à la pomme d’Adam saillante, écarte l’enfant de chœur du lutrin et entonne, d’une voix de cuivre formidable, l’évangile du jour en langue coptique. C’est à se boucher les oreilles !

De l’autre côté, dans le baptistère, le bébé qu’on ondoie redouble ses hurlemens. En moins de cinq minutes, c’est fini ! Le prêtre s’en revient vers l’iconostase, avec un bon sourire paternel dans sa grande barbe. Et puis il s’enferme de nouveau. Je renonce décidément à saisir le lien de tout cela. Il n’y a pas d’ordre sans doute ! Cela marche au petit bonheur, au gré des circonstances ou de l’inspiration des officians ! Voici maintenant qu’on distribue le pain bénit, de jolies galettes rondes comme des hosties et marquées de la croix copte ! Celui qui les fait passer est un vieux à la démarche chaloupante, aux babines et aux