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possible et raisonnable. Avec cela, on aura la session la plus tranquille et la France la plus heureuse et la plus satisfaite. Si, depuis dix ans que nous leur crions d’entrer franchement dans la Charte, ils avaient voulu nous écouter, ils se seraient épargné bien des maux.

« Il est à peu près démontré que Villèle ne peut pas attendre la réunion des Chambres pour se retirer. Si la soif du pouvoir le poussait jusqu’à braver l’orage, il serait assommé par l’Adresse, et ce serait à lui un véritable crime de mettre la couronne en lutte avec le pouvoir démocratique. Mais vous connaissez son audace, sa légèreté et ses continuelles erreurs. Il est homme à rêver qu’il a une majorité, quand il est démontré qu’il n’aurait pas 50 voix dans la Chambre des députés, et qu’il n’a pas même la majorité dans la Chambre des pairs, malgré les 76. Il s’est trompé toute sa vie, et sur tout. Avant les élections, il assurait qu’il aurait dans les collèges 322 ou 323 voix pour lui : il n’avait de doute que pour cette seule vingt-troisième voix !

« Vous me demandez ce que je serai dans le ministère futur. Dieu et le Roi le savent, et j’ai aussi mon secret. Il trompera bien du monde qui croyait à mon ambition effrénée. Quoi qu’il en soit de l’avenir, tous ceux qui veulent être ministres dans toutes les nuances d’opposition, croient avoir besoin au moins de ma non-opposition pour marcher. Ils peuvent être tranquilles. Je ne désire et n’appelle que le repos pour moi, la gloire pour le Roi et une liberté raisonnable pour la France.

« Quand vous reviendrez, vous retrouverez tous les orages passés, toutes les questions politiques décidées. Quand on ne contestera plus nos institutions, on n’en parlera plus, les journaux redeviendront ce qu’ils doivent être ; ils perdront ce ton passionné que produisent l’irritation et les contestations vives. On s’occupera de littérature et d’art. Vous reprendrez votre sceptre, et je passerai auprès de vous mes vieux et derniers jours.

« Hommages et grâces nouvelles pour le nouvel an à la signora Clara. »


Il essayait ainsi de donner le change à son amie, mais sans se faire beaucoup d’illusions sur le sort qui lui était réservé, car il écrivait, le 15 janvier 1828, à Mme de Cottens :

« Je suis menacé d’un grand malheur : Mme de Duras se meurt à Nice : vous avez vu passer à Lausanne cette pauvre