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encore, m’a cependant un peu consolé. Vous y êtes un peu moins injuste que dans les autres, et c’est toujours quelque chose de gagné ! La saison s’avance, et il faudra bientôt que vous quittiez les eaux. Vous me direz ce que vous devenez, mais si vous vous déterminez à aller dans le Midi, vous passerez nécessairement par Paris ; ainsi nous causerons de l’avenir. Que la monarchie s’en aille avant nous ou qu’elle nous survive, peu importe désormais ! Comme je ne suis pas Roi, l’affaire ne me touche pas de si près. Je ne m’y suis que trop intéressé, et il est temps de garder pour moi quelques misérables jours qui me restent. Ce qu’il y a de sûr, c’est que rien n’éclairera ni la France, ni l’Europe. C’est la vieille société en enfance qui radote et qui se dissout… »


Jeudi 23 [novembre 1820.] — « Eh bien ! on m’envoie à Berlin, dans le centre de la grande diplomatie. On assure qu’on va me rendre aussi le ministère d’Etat. Tout cela, dans les circonstances difficiles où je me trouve, ne me déplairait pas trop, si je n’étais obligé de vous quitter. Mais j’ai déclaré que je n’acceptais que pour revenir vite, et pour toujours, après la session. Il est certain que je ne pourrais jamais rentrer aux affaires sans passer par un point intermédiaire. Je n’ai pas encore vu le Roi, j’irai vous raconter l’entrevue. Pourtant, les Rois ne voulaient pas de nous dans leurs antichambres !… J’espère vous voir demain. »


Samedi soir. — «… L’audience, très bien. Le maître, plus embarrassé que moi. Pas un mot de reproches. Il m’a dit, à ce que je lui disais sur ma politique, qui peut-être avait pu être en contradiction avec la sienne : Nous commençons une nouvelle ère.

« Ne me grondez pas. Ayez plutôt pitié de moi. Je ne sais à qui entendre. J’irai vous voir au premier moment… »


Jeudi matin. — « Je ne partirai pas, très certainement, sans aller vous voir. Oui, on raconte de moi des merveilles et on me met à la porte. Je vous dirai bien des choses. Voilà un temps bien rude pour vous. »


III

Le séjour de Chateaubriand à Berlin ne devait durer guère plus de trois mois. M. Bardoux a publié les principales lettres