Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/804

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moindre trace du génie de leurs ancêtres ; qui ignorent le nom de la Grèce et qui ne savent pas qu’ils habitent les ruines de Lacédémone ! Tout cela, loin d’offrir des tableaux agréables, resserre l’âme ; le présent, triste réalité qui pèse sur le voyageur, l’arrache sans cesse à ses souvenirs ; cette Grèce désolée, remplie d’agas et de pachas, ne peut plus même faire un contraste avec la Grèce de Léonidas ; elle en est trop loin, le passage est trop heurté. L’esprit ne peut sauter tout à coup des Thermopyles aux vexations des pachas de Morée. Cela fait mal, mais ce mal est inévitable. Je serai impatiente de savoir votre opinion de ce livre dans lequel au reste le talent de l’auteur se montre dans tout son éclat ; mais, ce qui s’y montre plus que tout, c’est son caractère. Vous le trouverez là dans la bonhomie du coin de son feu, peut-être trop simple quelquefois. Mais il est ainsi : c’est un être supérieur, et l’âme et le cœur d’un enfant. » [9 février 1811.]

« Vous recevrez, aimable Rosalie, ce que vous avez eu la bonté de désirer depuis longtemps : une petite vue d’Ussé, assez mal faite, mais qui pourtant donne un peu l’idée du lieu. J’y ai joint l’Itinéraire… j’étais si assiégée de monde et d’affaires, si inquiète de la position de notre ami [Chateaubriand] que je n’étais capable de penser à rien. C’est le jour même de mon départ que l’Institut a rejeté son discours : je ne suis partie qu’après la séance, et bien agitée de cette affaire. Il est à présent à la campagne et fort occupé de son jardin et de ses arbres. Vous me manderez votre avis de l’Itinéraire qui a passé six semaines dans mon armoire, attendant toujours ce mauvais petit dessin… » [17 mai 1811.]

«… Je vais quitter Mouchy, pour retrouver à Paris un ami dont la vie a été bien agitée depuis quelque temps. Vous avez vu l’horrible article dirigé contre lui. J’espère que vous en aurez été indignée. Ce sentiment a été général, et ses anciens ennemis eux-mêmes ont voulu qu’on sût bien qu’ils étaient incapables de cette basse attaque. Mandez-moi si vous avez vu le discours qui a allumé cet incendie. Ceux qui méditaient de troubler le repos d’un homme qui ne demande au monde que ce seul bien ont pris soin de répandre avec profusion des copies d’un discours qu’il avait enseveli dans le plus profond oubli. Ensuite, ils lui ont fait un crime de leur méchanceté et ont fondé sur cette noirceur toutes leurs persécutions. J’ai été bien tourmentée de cette affaire qui paraît à présent s’apaiser un peu. » [24 septembre 1811.]