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admonestations vinrent stimuler son zèle contre « les entreprises et l’audace des religionnaires. » Le cardinal de La Roche-Aymon, qui porta la parole, rappela les engagemens contenus dans la formule du Sacre : « Achevez, s’écria-t-il, l’œuvre que Louis le Grand avait entreprise et que Louis le Bien-Aimé a continuée… Ordonnez qu’on dissipe les assemblées schismatiques… Excluez-les sectaires, sans distinction, de toutes les branches de l’administration publique. » Le Roi, pour toute réplique, se défendit de l’intention de « protéger l’hérésie, » affirma son désir sincère de maintenir la foi catholique, mais quant à réprimer, comme on l’y invitait, « les pratiques des religionnaires, » il s’y montra peu disposé. « Plus ces entreprises, expliqua-t-il, étaient multipliées, plus elles exigeaient du Roi de profondes considérations. »

Les prélats durent se contenter de ces assurances évasives. Pas plus, du reste, sur cette question que sur les autres points discutés au congrès[1], il ne fut adopté de solution précise ; et l’archevêque de Bourges, qui-prononça la harangue de clôture, s’efforça de sauver la mise en répudiant toute idée de persécution et tout conseil de violence : « Ne croyez pas, Sire, que des évêques, des ministres de paix, veuillent armer votre bras contre les sectateurs de l’hérésie. Nos frères errans sont nos frères ; nous les aimons, nous ne cesserons d’avoir pour eux la charité la plus tendre et la plus compatissante[2]. » Tant d’éloquens discours n’aboutirent finalement qu’à un seul résultat : l’assemblée, à la veille de sa séparation, vota, sur la demande du Roi, un « don gratuit » de seize millions, au lieu de dix qu’on complaît lui offrir. Après quoi, l’on se dispersa, plus désunis qu’auparavant et « dans un mécontentement général. »

  1. Une assez vive discussion s’éleva notamment au sujet de l’édit de Louis XV qui, en réglementant le noviciat dans les ordres religieux, avait fixé à dix-huit ans pour les filles et à vingt et un ans pour les hommes l’âge de prononcer des vœux. Certains ordres alléguaient que, depuis l’application de cette règle, il n’y avait presque plus de novices, et l’évêque de Cahors se fit le porte-parole de ces réclamations. Le débat fut violent. L’archevêque de Toulouse riposta par une sorte d’attaque contre les ordres religieux, dont il jugeait le nombre excessif, et dont quelques-uns, alla-t-il jusqu’à dire, n’étaient plus qu’une retraite pour l’indolence et l’oisiveté. « Des vœux faits à quinze ans, ajouta-t-il, ne sauraient être regardés comme faits avec la prudence et les lumières nécessaires ; il serait étonnant que les lois permissent à un citoyen de disposer de sa liberté pour toute sa vie, dans un âge où elles lui défendent d’aliéner un pouce de terre. » Sur ce sujet comme sur les autres, le débat resta sans issue. — Lettre du sieur Rivière au prince X. de Saxe, du 9 décembre 1775. — Arch. de l’Aube.
  2. Procès-verbaux des assemblées générales du clergé de France, tome VIII.