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femmes, ce sexe même dont la piété faisait autrefois la consolation de l’Eglise ! »

Aux plaintes ainsi portées contre la licence de la presse, se joignaient, dans le même parti, les plus vives récriminations au sujet de la tolérance pratiquée par l’autorité envers les protestans. C’était un point qui donnait lieu, depuis quelques années, à d’incessans conflits entre l’épiscopat et l’administration royale. Les lois farouches édictées un siècle plus tôt contre les réformés n’avaient jamais été ni abrogées ni adoucies en droit, mais, plus fort que les lois, l’esprit nouveau qui soufflait sur la France en avait peu à peu tempéré la rudesse. Si l’on pouvait, de loin en loin, dans les provinces éloignées de la capitale, citer encore certains faits isolés de persécution religieuse, ces cas exceptionnels se faisaient tous les jours plus rares. Plus le siècle s’avance, plus on voit fréquemment les intendans résister avec énergie aux réclamations des évêques et répudier hautement cette « politique des dragonnades, » qui, écrit l’un d’entre eux, « n’a fait que trop de bruit dans la France et dans toute l’Europe[1]. » Soit que les religionnaires s’assemblent pour leurs offices, soit qu’ils renoncent à la méthode ancienne des « mariages au désert » pour procéder ouvertement, en suivant les rites de leur culte, à des cérémonies nuptiales, soit enfin qu’ils bâtissent des temples, comme cela arrive quelquefois, pour toutes ces infractions flagrantes, infatigablement dénoncées, la réponse est toujours la même de la part des agens de l’administration : « Il faut user de modération… Il convient de fermer les yeux… Le grand nombre des contrevenans met le gouvernement dans la nécessité de ne point sévir contre les contraventions, etc.[2]. »

Louis XVI lui-même, malgré sa sincère dévotion, approuvait cette manière de faire et répugnait à tout procédé de contrainte. Dans une réponse aux doléances d’une délégation des évêques : « Je favoriserai toujours, déclare-t-il, les vues pacifiques et charitables du clergé pour ramener à l’unité ceux de nos frères qui oui eu le malheur d’en être séparés. » Plus explicite encore est cette note de sa main inscrite en marge d’un mémoire sur la tolérance religieuse : « Des évêques très dignes de confiance m’ont assuré que les surprises de conversions n’étaient pas du tout dans l’esprit de la religion, et qu’elles (les conversions)

  1. Les intendans des provinces sous Louis XVI, par Ardascheff.
  2. Archives nationales, O 1473.