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rivalités, ou des combats possibles, entre le Japon et les Etats Unis, les deux nations du monde, peut-être, aujourd’hui les plus énergiques et les plus sûres d’elles-mêmes.

Au point de vue matériel, les forces du Japon ne semblent pas inférieures à celles des Etats-Unis, puisque, s’il compte moins d’habitans, son armée régulière est la plus nombreuse ; et puisque sa marine, si elle possède et si elle construit un peu moins d’unités navales, reste toujours maîtresse de les assembler, de les mobiliser en quelques jours seulement, tandis que la flotte américaine, pour un certain nombre d’années encore, voit ses escadres séparées par un long continent. Mais ce qui doit donner au Mikado le plus de confiance, c’est bien encore la qualité de ses soldats et de ses marins. Leur bravoure, dans la guerre contre la Russie, a étonné les plus valeureux. Un eût dit que ni eux ni leurs chefs ne faisaient cas de la vie humaine. L’héroïsme régnait parmi eux à l’état normal, et dans tous les rangs. Des milliers de petits fantassins, sur les navires qui les transportaient, dans les fossés de Port-Arthur, sur les champs de Moukden, se faisaient tuer anonymement avec la noblesse d’un chevalier d’Assas ; et leurs familles, quand elles l’apprenaient, ne s’y résignaient pas, elles s’en réjouissaient, elles fêtaient sincèrement cette entrée enviable dans la gloire commune des ancêtres. Mourir pour l’Empereur, qui représente en même temps la patrie, la religion, l’autorité divine et humaine, quoi de plus naturel, de plus désirable, quelle plus belle récompense pour ces soldats disciplinés, ces croyans fidèles, ces sujets loyaux ? Bien forts sont les peuples qui ont gardé de tels principes !

Est-ce donc à dire que l’Amérique nous paraisse inférieure comme ressources et comme idéal ? Si je l’écrivais, on saurait bien que je ne suis pas sincère. Elle prépare, dans le percement de Panama, une plus rapide conjonction de ses flottes ; et, en attendant, elle consacre chaque année de plus larges crédits à la marine, tandis que les Japonais se voient obligés de diminuer les leurs. Son armée, en temps de paix, n’est pas comparable à celle des ennemis éventuels ; mais on conviendra que l’Océan Pacifique lui donnerait quelque temps pour se préparer contre une invasion d’ailleurs presque invraisemblable ; et d’autre part, elle possède assez de richesses en tout genre, mais surtout assez d’hommes, et d’hommes sincèrement dévoués, pour arrêter, user, détruire à la longue, n’importe quels ennemis. Moins