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millions d’habitans que comptent ces États pourrait être décuplé sans les appauvrir, et c’est à peine s’il suffirait à en mettre en valeur tout le sol cultivable, toutes les forêts, toutes les eaux fécondes et navigables. Quant à la Californie, l’Etat le plus menacé par les Jaunes, elle n’offre pas, bien que fréquentée depuis plus longtemps, moins de chances que les deux autres aux travailleurs sérieux qui viendraient y gagner leur vie ; et c’est ce que, en terminant, je voudrais montrer avec plus d’insistance, après m’en être convaincu moi-même par ce que j’ai pu voir ou entendre durant les quelques semaines de mon séjour et par les documens, de plus facile accès, que distribue fort généreusement le Comité de promotion de San Francisco.

Depuis sa découverte par Fernand Cortez en 1536, jusqu’à son annexion par les Etats-Unis en 1848, l’année même où John W. Marshall y trouva des gisemens aurifères, la Californie n’avait accompli que d’assez lents progrès. Elle fut alors, comme tous les pays de mines d’or, l’objet d’un engouement extraordinaire, mais incapable de survivre aux riches exploitations des premières années. Aujourd’hui, le précieux métal, qui a fourni, en tout, 8 ou 9 milliards, donne encore un nombre respectable de millions par an ; mais il s’y est adjoint heureusement des ressources plus normales, et l’on s’est aperçu que la vraie richesse, en Californie comme dans le champ du fabuliste, consiste à cultiver le sol où sont signalés des trésors enfouis. Dans ce vaste Etat, large en moyenne de 200 milles et long de 800, il est vrai que 60 millions d’acres consistent en montagnes et déserts inaccessibles à la charrue, mais là même le bétail trouverait plus de pâturages qu’il n’en peut brouter ; et il reste 40 millions d’acres propres à la culture. Les glaciers et les neiges de la Sierra-Nevada alimentent, sans danger d’épuisement, des cours d’eau et des réservoirs naturels qui assureront autant qu’on le voudra l’irrigation des contrées où la pluie est insuffisante ; et il est juste de reconnaître que d’admirables travaux s’exécutent pour en profiter. Cependant, à tout prendre, et qu’il s’agisse des terres naturellement fertiles ou de celles qui peuvent le devenir, la proportion des parties cultivées demeure extrêmement faible ; des millions et des millions d’acres continuent d’attendre l’arrivée du colon, et la population totale, qui n’est pas tout à fait de 2 millions et demi, pourrait doubler et quadrupler sans excéder en rien les possibilités, comme on dit là-bas, de ces riches territoires.