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Brigitte Avogradoqui, à la tête d’un bataillon féminin, repoussa un assaut de l’ennemi[1].

Ce passé belliqueux, qui commence aux luttes de la vieille Brixia des Celtes et va jusqu’à Solférino, met une auréole de gloire à la ville que semble garder l’admirable Victoire du temple d’Hercule élevé par Vespasien. C’est l’une des plus émouvantes statues que je connaisse. Tous les grands poètes italiens l’ont célébrée. D’Annunzio lui a consacré l’un de ses plus fiers sonnets :


Bella nel peplo dorico, la parma
poggiata contro la sinistra coscia,
la gran Nike incidea la sua parola.

« O Vergine, te sola amo, te sola ! »
gridò l’anima mia nell’alta angoscia.
Ella rispose : « Chi uni vuole, s’arma ! »


Mais oublions la ville guerrière ; accordons une heure au délicieux Municipio, où se retrouve, dans l’encadrement des fenêtres, la main de Palladio, et au Duomo vecchio, si noble, si austère, si poignant que l’âme même de la cité semble y palpiter encore. Et consacrons-nous au Moretto.

Alessandro Bonvicino, dit le Moretto : voilà bien un de ces peintres dont tout le monde sait le nom, mais dont très peu connaissent les œuvres. Quand on a parlé de son gris argenté et ajouté qu’il est un des maîtres les plus charmans de l’Italie septentrionale, on croit avoir tout dit. Certes, en dehors de Brescia, il est assez difficile de s’en faire une idée complète. Pourtant la Lombardie et la Vénétie ont gardé quelques-unes de ses toiles. J’en ai noté plusieurs à la Brera et une à San Giorgio in Braida de Vérone. Venise en possède à l’Académie et dans la collection Layard ; elle a de plus le Christ chez le Pharisien qui est à la Pieta, dans la tribune des religieuses : malheureusement, l’église est en réparation depuis plusieurs années, et l’on ne peut plus voir ce tableau, l’un des plus importans de l’artiste. Au Louvre, les deux volets que nous avons, représentant l’un Saint Bernardin

  1. Les Brescianes d’aujourd’hui ne se battent plus ; mais elles paraissent avoir gardé leur caractère belliqueux, si l’on en juge par les vers satiriques d’Alfieri :
    Vegfjio liresciane donne iniquo speglio
    farsi de’ ben forbiti pugnatetti,
    cui prova o amante infido o sposo veglio.