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Vérone et Milan ; à peine daigna-t-il, à Desenzano, jeter de son wagon un coup d’œil sur le lac de Garde. Théophile Gautier nous parle bien de Vicenza, mais c’est le nom d’une Vénitienne dont il fit un pastel ; quant à Brescia, il y passa de nuit et n’y resta qu’une heure, le temps de changer de chevaux ; il n’y remarqua que la hauteur des maisons et la fraîcheur de l’eau.

La situation de la ville est délicieuse, au pied des Alpes dont le massif brescian est traversé par le val Camonica, le val Trompia et le val Sabbia. L’Oglio, la Mella et la Chiese débouchent de ces trois vallées et répandent la fertilité dans la plaine. Peu d’horizons sont plus variés et verdoyans que ceux qu’on découvre de la promenade qui fait le tour de la citadelle. On comprend que les habitans aient le goût des paysages et des belles perspectives et l’on ne s’étonne plus de voir en si grand nombre les cours intérieures des maisons badigeonnées de fresques qui donnent l’illusion de la campagne et de la fraîcheur des bois.

Peu de cités ont une plus glorieuse histoire que


Brescia la forte, Brescia la ferrea,
Brescia leonessa d’Italia
beverata nel sangue nemico.


Ces vers de Carducci disent bien le côté guerrier de la ville qui tire encore aujourd’hui sa richesse des armes qu’elle forge et qui se proclame elle-même « la mère des héros. » La plaine de la Mella porte toujours le nom de val du fer et les tours della Pallata et del Popolo rappellent les sièges mémorables que Brescia subit, à cause de sa position stratégique, au débouché des vallées qui descendent du Tyrol. Il n’y a presque pas de siècle où elle n’ait eu à se défendre. Gaston de Foix la livra au pillage pendant une semaine. Bayard, qui commandait son avant-garde, s’y comporta noblement ; il faut lire dans le Loyal Serviteur comment il agit avec les deux jeunes filles de la maison où on l’avait conduit, blessé : à la mère qui s’effrayait et lui offrait une rançon : « Madame, déclara-t-il, je ne sais si je pourrai échapper à la plaie que j’ai ; mais tant que je vivrai, à vous ni à vos filles ne sera fait déplaisir non plus qu’à ma personne. » Loin de France, il est agréable de se rappeler les traits chevaleresques des nôtres. Les Brescianes elles-mêmes se battaient et ont laissé une réputation de mâle courage. On garde ici le souvenir de