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aux Français par son allure française. » Le 3 juillet, Bismarck faisait officiellement l’offre du poste de statthalter d’Alsace Lorraine à Hohenlohe qui se déclara disposé à accepter, mais à la condition de se renseigner auprès du chancelier sur la portée des devoirs qui lui incomberaient. Il apprit en se rendant à Varzin « que vis-à-vis des jeunes têtes des Affaires étrangères, sa position serait sous peu devenue intenable à Paris. » « C’est, dit-il, dans la nature des choses. Un homme âgé ne peut pas consentir à tomber sous la dépendance de jeunes gens qu’il a connus enfans. » Il découvrit alors qu’une intrigue se tramait contre lui et il fit cette constatation judicieuse : « On ne peut occuper pendant douze années un poste d’ambassade de cette importance sans devenir le point de mire d’une foule de convoitises et d’envies, » et il ajoutait cette note assez mystérieuse : « Ma présence à Paris incommodait les Rothschild et les d’Orléans. »

Le chancelier conseille au prince de Hohenlohe de garde provisoirement à Strasbourg le secrétaire d’Etat Hoffmann et de s’entendre avec le sous-secrétaire d’Etat Mayr et le lieutenant général de Heuduck. Hohenlohe voit ensuite l’Empereur qui constate la difficulté de germaniser les Alsaciens et rappelle que des dispositions pareilles existaient en 1839 dans la province du Rhin. « Les habitans de cette province, disait l’Empereur, ne devinrent Allemands qu’à partir de 1845. » Il espérait qu’avec le temps, il en serait de même pour les nouveaux sujets de l’Empire. Si l’on veut connaître exactement une partie de l’histoire de l’Alsace-Lorraine sous la domination allemande, les notes de Hohenlohe seront pour l’historien un document précieux. J’ose dire que leur publication a mécontenté l’autorité suprême au moins autant que les révélations faites sur la chute de Bismarck. On va en juger par quelques extraits.

Le prince de Hohenlohe, qui redoutait que le public strasbourgeois ne le considérât pas, en raison de sa qualité de gouverneur civil, muni d’une autorité aussi grande que l’ancien feld-maréchal de Manteuffel, tenait beaucoup à avoir deux sentinelles aux portes de son palais. Cette faveur lui fut accordée. Il en remercia le chancelier, parce que la suppression de ce double poste aurait été aux yeux de la population alsacienne comme une défaite du nouveau gouvernement. Dans son Journal, il ne cache point que la place de statthalter n’est pas une sinécure. La société