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la guerre, mais pas probable. » Donc, l’alerte qui suivit, n’était pas une simple hypothèse.

Il fut question un moment, au début de l’année 4 876, de confier la présidence du Sénat à Thiers. Le duc Decazes n’y croyait pas. Il apprenait à Hohenlohe que Thiers allait trouver dans le duc d’Audiffret-Pasquier un adversaire redoutable. La princesse Troubetzkoï confiait, le 7 février, à l’ambassadeur que Thiers était très affligé qu’il ne l’eût pas encouragé à accepter la présidence du Sénat. Lui président, aurait-il dit, le maréchal ne pourrait se maintenir et se retirerait. « Pour me gagner à la cause de Thiers, écrit Hohenlohe, la princesse me disait : « Thiers se désiste de l’élection de Decazes. » On me mettait donc le marché à la main. Si je favorisais les ambitions présidentielles de Thiers au Sénat, en échange, Decazes serait élu. Je me tins sur la réserve. » Hohenlohe fit bien, d’autant plus qu’il s’exagérait fort son influence.

Le ministère Buffet ayant démissionné le 22 février 1876, après ses échecs électoraux, et Dufaure s’étant chargé provisoirement de la présidence et du ministère de l’Intérieur, on négociait pour la formation d’un cabinet Casimir-Perier.

Hohenlohe alla aux informations chez Thiers où l’affluence était grande. Il retrace sa conversation avec lui en ces quelques mots curieux : « A son avis, les négociations n’ont pas complètement échoué, parce qu’avec Dufaure on n’en a jamais tout à fait fini… La situation serait excellente. Si l’on suivait l’exemple du roi Léopold, on obtiendrait une majorité de 350 voix. Seulement, on ne sait pas profiter de la situation. Il ne faut pas marchander. Ce marchandage indispose. Il fallait qu’à l’ouverture de la Chambre, les préfets qui avaient combattu les députés radicaux fussent mis à pied… Le maréchal est plus intelligent que son entourage. Il s’aperçoit que ni Broglie ni Buffet ne l’ont sagement conseillé. Tenant à rester en place, il sait très finement distinguer les conseils qui ne contribuent pas à consolider sa position. Mais il est tiraillé de droite et de gauche par son entourage et n’a pas la force de suivre sa propre inspiration. Cela ne deviendra pas tragique, mais cela se gâtera. »

Abordant ensuite la politique étrangère, Thiers apprit à Hohenlohe que Léon Say avait sondé les intentions de Decazes au sujet du poste de Berlin. Mais Decazes était inabordable et prétendait que le rappel de Gontaut-Biron gâterait les bonnes