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ce point : il l’a laissé en suspens. La Chambre des Lords se trouve effectivement on présence d’un problème presque aussi redoutable que celui du sphinx. Si elle adopte, si elle subit le budget, si même elle transige avec lui, c’est-à-dire avec les principes d’où il dérive, elle porte un coup terrible à ce qu’elle-même représente dans le pays ; mais si elle le repousse, les conséquences peuvent en être très périlleuses pour elle, car la dissolution deviendra inévitable et qui pourrait dire quel en sera le résultat ? Il y (a quelques mois encore, le parti libéral au pouvoir perdait chaque jour du terrain et nul ne doutait de sa défaite aux élections prochaines ; il n’avait tenu aucune de ses promesses ; il avait échoué dans tous ses projets ; il n’avait même plus de plate-forme électorale. Aujourd’hui la situation est changée.

Les premières passes d’armes qui viennent d’avoir lieu ont montré qu’une grande partie de l’opinion se désintéressait de la fortune menacée de la haute aristocratie, et qu’une autre partie de la même opinion avait pris goût au joyeux hallali sonné par M. Wiston Churchill. L’idée de faire payer les trois quarts des impôts nouveaux par 10 000 riches doit évidemment séduire certains esprits, qui n’aperçoivent pas encore, pour l’avenir, les dangers de ce procédé. Des principes qui paraissaient intangibles et sacrés sont remis en cause, et par qui ? par le gouvernement lui-même. Qu’en sortira-t-il ? Quelle sera finalement la résolution adoptée par la Chambre des Lords ? On le saura bientôt. Nous avons voulu seulement, aujourd’hui, indiquer le problème tel qu’il se pose. Quelle qu’en soit la solution, l’Angleterre est certainement à une des heures graves de son histoire, et ce n’est pas une consolation pour elle de penser qu’elle n’est pas seule aux prises avec les mêmes difficultés.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.