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ou plutôt en Europe, un élément essentiel de tout un ensemble de choses, et ce qui ébranle sa situation internationale doit être pris très au sérieux. Ce déploiement d’intimidation et de force était-il indispensable de la part de l’armée grecque pour atteindre le but qu’elle se proposait ? Non. Le roi Georges est un homme fin et sensé, qui sait entendre à demi-mot, prendre les résolutions nécessaires, faire les sacrifices inévitables. On aurait certainement pu réussir auprès de lui avec un moindre effort, et tout le monde y aurait gagné.

Le Roi, légitimement écœuré, découragé, offensé, parle d’abdiquer : il faut espérer pour la Grèce qu’il n’en fera rien. Ce qui pourrait l’y porter est la faible popularité du prince héritier, qui rend l’avenir incertain ; mais à chaque jour, et nous ajouterons à chacun suffit sa peine, suffit son devoir. Les situations se modifient, les hommes changent, les pronostics sont souvent démentis par les événemens. L’armée reproche au prince héritier de ne l’avoir pas conduite à la victoire, il y a douze ans, dans la guerre contre la Turquie ; mais il était, croyons-nous, difficile de le faire et la responsabilité de la défaite ne revient certainement pas au diadoque tout seul. Depuis lors, qu’a-t-on fait pour relever et pour fortifier l’armée ? Peu de chose, il faut le reconnaître ; mais, cette fois encore, la responsabilité n’en rendent pas tout entière à ceux sur lesquels on veut aujourd’hui l’accumuler ; et, puisque la Grèce a un gouvernement parlementaire, le parlement lui aussi en a sa part. Pour parler plus nettement, tout le monde en a la sienne. Si le Roi mérite un reproche, ce serait peut-être d’avoir trop respecté les règles, les formes constitutionnelles, et de n’avoir pas essayé d’exercer, au cours d’un règne déjà long, une influence personnelle sur les partis : il a été au milieu d’eux plus spectateur qu’acteur. Son excuse est que, s’il avait compris et rempli autrement son rôle, il aurait probablement été renversé tout de suite. Étant, en Grèce, une importation étrangère et n’ayant pas dès lors dans le pays de vieilles racines, nationales et traditionnelles, il a cru devoir laisser son peuple se gouverner à sa guise, et s’est plus particulièrement consacré à ménager et à fortifier sa situation internationale. Sur ce terrain, les moyens d’action ne lui manquaient pas : aussi a-t-il jugé que là était sa vraie mission, et il l’a remplie admirablement. Ses grandes relations de famille lui donnaient accès dans toutes les cours de l’Europe, et sa bonne grâce personnelle, autant que son esprit politique, lui ouvraient les portes des chancelleries. Pendant que les Grecs se gouvernaient eux-mêmes, — s’ils se sont mal gouvernés c’est leur faute, — le Roi représentait leurs intérêts au dehors, les