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furent M. Paasche, national-libéral, et M. Kœmpff, radical. La discussion du budget, commencée par l’aveu d’un déficit persistant, fut marquée par un duel entre le chancelier d’une part, M. Spahn et M. Bebel de l’autre, duel qui accusa la brouille et brisa les derniers liens. A l’attaque violente du leader du Centre, M. de Bülow répliqua par l’énergique affirmation que, « malgré les rivalités des partis, le gouvernement dispose d’une majorité écrasante dans le peuple allemand aux heures solennelles où il s’agit du prestige de l’honneur et de la situation de la patrie. » A M. Bebel, il répondit, avec plus de verve encore, en dénonçant le socialisme ; en répudiant avec lui tout accord ; en prêchant contre lui l’union de la bourgeoisie ; en lui déniant le droit de représenter seul les intérêts des travailleurs ; en refusant de livrer à un élément antinational les destinées de la nation[1]. La partie était gagnée contre les deux adversaires. En vain, dans les séances suivantes, les orateurs du Centre crièrent au Kulturkampf. Leur voix fut sans écho. Le 12 mars, l’Assemblée vota les crédits pour le Sud-Ouest africain ; le 3 mars, la transformation de la direction des colonies en ministère indépendant ; quelques semaines après, elle adopta l’ensemble du budget. Un succès complet effaçait le souvenir de l’échec de décembre.

Ce succès pourtant n’était point de ceux qui durent. A la veille de la rentrée du Reichstag, à l’automne de 1907, la situation déjà était difficile. D’une part, une réforme administrative de la marine réduisant la durée de service des vaisseaux de ligne, augmentant par conséquent les charges ; d’autre part, des difficultés financières, sur la solution desquelles le chancelier n’était pas d’accord avec M. de Stengel, secrétaire d’Etat aux finances ; un projet, encore indéterminé, de réforme de la loi électorale prussienne ; deux projets sur les bourses et sur le droit de réunion, qui ne donnaient satisfaction ni à la Gauche ni à la Droite, tel était l’édifice législatif, malaisément habitable, où le prince de Bülow comptait faire vivre sa majorité de 216 députés. Le 4 décembre, un vif incident éclatait entre le ministre de la Guerre, général von Einem et M. Paasche, vice-président national-libéral du Reichstag. Le chancelier, à plaisir, semble-t-il, grossit l’affaire, comme s’il eût voulu trouver un réconfort dans

  1. Reichstag, 25 février-5 mars 1907.