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les premières apparences, tendre la situation du côté de la Porte, paraissait au contraire l’avoir détendue. On reconnaissait volontiers à Constantinople qu’on n’avait qu’à se louer des premiers actes de M. Rhallys, qui avait rappelé de Macédoine un certain nombre d’officiers grecs. Que s’est-il passé depuis ? Il ne s’est rien passé en ce qui concerne la Grèce. Son attitude continue d’être ce qu’elle était auparavant, c’est-à-dire réservée, neutre, irréprochable : pourtant, un beau matin, sans avoir averti personne, le gouvernement ottoman a envoyé un véritable ultimatum au gouvernement hellénique, le sommant de rappeler les officiers grecs qui étaient en Crète ou de les rayer des cadres, et enfin de désavouer formellement le mouvement crétois en déclarant qu’elle reconnaissait la souveraineté ottomane sur la Crète, et qu’elle n’avait elle-même aucune prétention sur l’île. A défaut de cette déclaration, le ministre de Turquie quitterait Athènes pour un long congé, et il adviendrait ce qu’il pourrait. On veut bien dire que ce ne serait pas nécessairement la guerre ; mais, à parler franchement, on en serait très près, et la précipitation des arméniens ottomans montre que cette éventualité a été non seulement envisagée, mais acceptée à Constantinople. L’opinion publique, de plus en plus, après avoir été très exaltée, paraît y être complètement dévoyée. Il n’est que temps pour les quatre puissances protectrices de réparer leurs erreurs ou leurs négligences passées. Nous reconnaissons qu’elles s’y emploient de leur mieux ; mais il faut qu’elles s’entendent entre elles pour agir, ou même pour parler, ce qui les expose à être dépassées en rapidité par les puissances indépendantes, comme l’Allemagne ou l’Autriche, qui n’ont qu’à écouter et à suivre leurs propres aspirations. La première démarche faite à Constantinople paraît l’avoir été par l’ambassadeur d’Allemagne, le baron Marshall. On a dit d’abord qu’il avait formellement désapprouvé la démarche ottomane à Athènes ; puis, et cela est plus vraisemblable, qu’il s’était borné à conseiller au gouvernement ottoman d’éviter la guerre, et on a ajouté qu’une démarche analogue avait été faite par le ministre allemand à Athènes. Il y a quelque ironie à conseiller au gouvernement hellénique d’éviter la guerre ; tout le monde sait bien qu’il ne la veut pas ; il fera sûrement en effet tout ce que l’honneur lui permettra de faire pour l’éviter. Mais il n’est pas responsable des mouvemens désordonnés de la Crète, il n’a pas le moyen de les empêcher, et on ne peut rien lui demander au-delà de ses moyens. Il a répondu, comme il devait le faire, qu’il protestait contre les griefs articulés contre lui, qu’il n’était pour rien dans l’agitation crétoise, que son attitude à l’égard