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des déserteurs, du levain de la fermeté. Nous avons autant gagné à une résistance de huit jours qu’à une modération de trois années. Cette politique honnête et tenace était d’ailleurs servie à Berlin par un ambassadeur que le succès a récompensé d’avoir, en une heure difficile, accepté le plus lourd des postes diplomatiques. M. Jules Cambon n’avait pas à craindre un échec : mais il y a des nuances dans la réussite. Et l’œuvre qu’il entreprenait à Berlin n’était pas de celles dont on pût à l’avance garantir l’issue. Par son charme, sa finesse, sa science des hommes et des choses, il a conquis tous ceux qu’il devait conquérir. Et sans jamais se hasarder à des initiatives aventureuses, il a su provoquer celles que la France devait souhaiter. L’Empereur, qui, à son arrivée, lui avait fait un accueil flatteur, a pu vérifier à l’épreuve l’opinion favorable qu’il s’était formée dès l’abord. Le chancelier s’est plu à retrouver, en un ancien ami, la verdeur intellectuelle par laquelle il séduit lui-même ceux qui l’approchent. Enfin l’ambassade de France, grâce à l’autorité de son chef et au mérite de ses membres, — notamment de son conseiller, le baron de Berckheim, — a ressaisi à Berlin le crédit nécessaire aux négociations heureuses.

C’est pourquoi, depuis trois ans, le contact n’a jamais été perdu, les difficultés politiques ont toujours laissé subsister les relations de courtoisie et d’intérêt qu’impose aux peuples l’état de paix. A diverses reprises, de pieuses commémorations ont associé les représentans de la France et de l’Allemagne dans le culte des morts de 1870. Il en a été ainsi à Alloua, en septembre 1906, à Mayence, au mois d’octobre de la même année, puis, en février 1908, lors de la représentation française organisée au bénéfice du monument de Noisseville. La catastrophe de Courrières (avril 1906), celle de Reden (janvier 1907), les sinistres maritimes, comme la perte du torpilleur 339 (février 1907) et l'explosion de l’Iéna (mars 1907), ont provoqué des manifestations de sympathie réciproque. Les relations intellectuelles se sont maintenues en dépit des conflits politiques et nombre d’Académies allemandes ont appelé dans leur sein des Français de valeur, parmi lesquels on peut citer MM. Gabriel Monod, Roux, Senart, membres de l’Institut. Des échanges de professeurs (avril 1906), des colonies de vacances, ont été organisés. L’Empereur, à diverses reprises, a témoigné à des hôtes français une bienveillance toute spéciale. MM. Eugène Etienne,