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son petit trépied. Mais il reste écrivain, ou, si l’on préfère, auteur. L’habitude est prise maintenant. Il rime et versifie toujours, il continuera toute sa vie à jouer de la plume, sans prétention à la gloire, certes (et ceci prouve fort en sa faveur), mais pour satisfaire à une habitude prise, à un plaisir, peut-être à un besoin. Et George Sand s’intéressera toujours à ses productions, vers ou prose ; car il pratique la prose après les vers, et ses vers continuent à valoir mieux que sa prose. Cet élément sera donc toujours mêlé à la correspondance, et jouera même son rôle dans l’intimité de cette amitié constante. Car Poncy, un peu pauvre d’idées, rimera selon l’occasion, sur un événement, de famille, sur un jour de fête. George Sand accueillera toujours avec un bon sourire d’encouragement ces petits poèmes de son « fils ; » seulement, on sent maintenant que ceci est l’ornement et non l’âme de cette affection mutuelle ; la littérature n’est plus qu’au second plan, et même à l’arrière-plan. George Sand a tant d’autres choses à préférer chez Poncy, depuis qu’ils ont espéré, cru, souffert ensemble, depuis qu’ils se sont dévoués l’un et l’autre à la cause perdue, et aux victimes qu’elle a faites.

Ainsi passent successivement, dans les cent soixante lettres qui s’écrivent de Nohant à Toulon entre 1850 et 1876, les trois nouveaux volumes de vers que Poncy ajoutera aux Marines et au Chantier : savoir, la Chanson de chaque métier, en 1850 ; puis le Bouquet de marguerites, et enfin les Regains, dernier volume où le poète a noué en javelles inégales des pièces qui offrent entre elles peu d’unité, et ne méritaient pas toutes d’être recueillies. Mais Poncy avait de l’ordre, il a tout ramassé et rangé. La Chanson de chaque métier, on l’a vu, était prête en 1848. Son succès, de toute façon, n’eût pas été grand, et le rêve que semble avoir caressé George Sand d’un Béranger réellement ouvrier et réellement populaire ne se fût pas réalisé. Paru en 1850, ce recueil n’était déjà plus de mise ; et ce n’est pas la préface maladroite de l’auteur qui pouvait masquer son peu d’actualité. Le Bouquet de marguerites, poème d’amour assez passionné, et qui ressemble parfois à une confidence personnelle, inquiéta un instant George Sand. Poncy souffrait-il d’un amour secret ? N’aimait-il plus Désirée ? Ou ne s’agissait-il là que de quelque « Iris en l’air ? » Gênée, mécontente, elle posa des questions. Et quand elle sut, de l’ingénu Poncy lui-même, qu’il était parfaitement heureux, qu’il adorait