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italiens, anglais, espagnols. Cela même ne lui suffit pas. Il ne se contente pas de rassembler des matériaux connus : il cherche et il trouve. Il fouille les bibliothèques et les archives : à Paris, à Laon, à Orléans, où il met au jour des chartes royales et une correspondance des abbés de Saint-Victor ; à Rome, où il révise sur l’original l’édition des registres d’Innocent III ; à Zurich, où il trouve, en 1905, la liste des évêques présens au concile du Latran. On peut dire que, dans cette minutieuse enquête qui porte sur près de trois siècles, il est peu de documens qui aient échappé à son regard.

Ce fut une autre partie de sa tâche de les mettre en œuvre. Rappelant dans un de ses discours un mot quelque peu irrévérencieux de Renan sur les érudits, il se le fût volontiers appliqué à lui-même. Le travail de laboratoire le passionnait, qu’il le fît seul, dans son cabinet, ou avec ses élèves, dans cet Institut médiéval qu’il avait fondé, en 1900, à la Sorbonne. Il savait bien que rien n’est mesquin pour le savant, ni inutile pour la science. Etudier un manuscrit, en fixer avec précision l’auteur ou l’origine, établir avec certitude un petit fait, rectifier une date, toutes ces minuties lui paraissaient chose grave. Le premier devoir qu’il enseignait à ses étudians, et qu’il pratiquait lui-même, était de s’y appliquer. Nulle discipline ne lui paraissait meilleure pour former un historien. C’est qu’il avait, d’instinct, le sens de la critique et en maniait la pointe avec une dextérité supérieure. Que d’études originales dans ces articles d’érudition pure qui annonçaient ses grands ouvrages ! A la Sorbonne, le professeur avait fait préparer une série de publications : celle des actes du monastère de Saint-Denis, préface d’une histoire de la grande abbaye capétienne ; celle des historiens de la croisade des Albigeois, Guillaume de Puylaurens et Pierre des Vaux-Cernay. Le critique, à son tour, consignait dans des mémoires spéciaux ses recherches personnelles. Peu de travaux nous aident à aussi bien comprendre ses procédés et sa méthode. Qu’ils soient consacrés à une compilation historique du XIIIe siècle ou à un traité attribué à Hugues de Clères, à l’histoire des registres d’Innocent III ou aux listes des grands officiers de la couronne, ils révèlent toujours la même finesse, la même sûreté de main, la même clarté de discussion. M. Luchaire m’écrivait un jour : « Il n’est pas nécessaire de sortir de l’École des chartes pour être un érudit. » Peut-être songeait-il un peu à lui-même. Ces petits mémoires, alertes, précis,