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de Vienne (juin 1906), conviait familièrement le comte Goiuchowski à venir s’asseoir près de « son » Empereur ; où la presse allemande prenait texte de l’éruption du Vésuve pour reprocher à l'Italie sa tiédeur diplomatique ; où le Berliner Tageblatt, dans un article virulent, dénonçait « l’ingratitude des Romanof. » Pendant les mois qui suivirent, ces manifestations de mobilisation morale ne se ralentirent point. Un jour, Guillaume II, dans une vigoureuse improvisation, foudroyait les pessimistes et les conviait à quitter le sol allemand. Six semaines plus tard, M. de Tschirschky s’en allait à Vienne et à Rome porter la bonne parole triplicienne. On faisait fête à Berlin au baron d’Æhrenthal qui, abandonnant l’ambassade de Saint-Pétersbourg pour prendre au ministère des Affaires étrangères la succession du comte Goluchowski, traversait, en rejoignant son poste, la capitale allemande. Et la presse, en soulignant cette entrevue propitiatoire, demandait si, après elle, on oserait encore parler de l’isolement allemand, dont, au surplus, les journaux berlinois avaient été seuls à se plaindre. En avril 1907, le prince de Bülow et M. Tittoni se rencontraient à leur tour à Rapallo et, dans des notes officieuses, se félicitaient de leur étroite intimité. Le chef de l’état-major autrichien voyageait pendant ce temps en Allemagne. Par tous les moyens, on s’efforçait de tonifier la Triplice pour la mieux enhardir aux luttes du lendemain.

De l’autre côté, en France et en Angleterre, loin d’abandonner la politique contre laquelle s’étaient dressées les représailles allemandes, on inclinait plutôt à l’accentuer. Les Cabinets de Paris et de Londres, préoccupés d’un réveil possible de l’influence allemande en Russie à la faveur des troubles intérieurs, cherchaient à nouer des liens plus solides avec le gouvernement du Tsar. M. Schiemann et les pangermanistes avaient souvent prophétisé qu’un rapprochement anglo-russe étant impossible, la France tôt ou tard serait obligée de choisir entre l’alliance de la Russie et l’amitié de l’Angleterre. C’est cette option que, dans leur intérêt commun, les trois puissances devaient éviter. M. Isvolski, qui avait succédé au comte Lamsdorf au mois de mai 1906, était plus que personne convaincu de la nécessité de ramener la Russie en Europe et de l’y maintenir, pour le bien de l’équilibre, près de la France et près de 1'Angleterre. Mais, pour y réussir, il fallait d’abord consolider la paix précaire conclue l’année d’avant avec le Japon ; il fallait ensuite