Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/888

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la fiscalité et la coutume que par ses murs de pierre. Comment en comprendre les formes extérieures et apparentes si on n’en étudie d’abord les ressorts internes et cachés ?… Celle-ci est instable : jamais société n’a été plus troublée et plus mobile ; jamais l’être humain n’a été si peu au repos. Comment en saisir la continuité profonde, si on n’en suit toutes les secousses, et, comme pas à pas, toutes les transformations ? Mais voici bien l’immensité de la tâche. Toute cette histoire n’est plus dans les lois, dans quelques centaines de diplômes royaux ; elle se dissimule dans des milliers de chartes, de détails, de petits faits. C’est dans ce chaos qu’il faut la chercher, la découvrir, région par région, époque par époque. M. Luchaire a dit de cette période qu’elle présentait d’immenses « hiatus. » Il se trompait un peu. Les textes ne manquent pas, mais les recueillir, les grouper, reconstituer sur leur témoignage, parfois contraire, les formations et les déformations du régime, discerner, sous la diversité des faits, quelques lois simples qui expliquent tout : quel labeur ! On comprend que les érudits aient reculé. La féodalité a inspiré d’excellentes monographies : elle attend encore son historien.

M. Luchaire eût-il pu l’être, et, reprenant l’œuvre de Fustel au point où celui-ci l’avait conduite, la souder à ce XIIIe siècle vers lequel il s’acheminait lui-même ? Il ne l’a pas cru. « Les travaux originaux, écrivait-il alors, ceux qui font la science, ont pour l’auteur un charme particulier… Mais il est bon aussi que les savans s’assujettissent à vulgariser la science faite. » C’est dans cet esprit qu’il composa, en 1890, ses Communes françaises, et, en 1892, son Manuel des Institutions françaises à l’époque des Capétiens.

Ces deux livres sont des « synthèses. » L’auteur nous en avertit. « Retracer dans ses lignes générales, d’après les plus récens travaux, l’organisation jurée de la commune du Nord, le type le plus complet de la municipalité indépendante,… montrer la place qu’elle occupait dans la société contemporaine, étudier ses rapports avec la féodalité, l’Eglise, le Roi… » tel est l’objet du premier. Résumer tout ce que l’on sait du régime féodal ; des monographies de détail dégager tout un ensemble de vues précises sur son organisation : celle de l’Eglise, du fief, de la seigneurie, des villes, des classes populaires, du pouvoir royal, tel est le plan du second. Écrits pour les étudians ou le grand public, ils se présentent, l’un et l’autre, comme une mise au point. Sont-ils vraiment si peu originaux ? L’auteur ne voulait qu’offrir