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Après ce séjour à Paris, M. et Mme Ducrest de Saint-Aubin ne retournèrent pas directement en Bourgogne. Ils accompagnèrent à Lyon Mm, de Bellevaux, afin de présenter au chapitre noble d’Alix les deux petites filles reconnues par Lazare Ducrest de Chigy, en même temps que la jeune Félicité. Le voyage se fit gaiement, à petites journées, dans une grande berline ; et pour l’enfant, ce fut comme une partie de plaisir. Les cérémonies de l’admission, dans le chapitre enchantèrent la petite : elle jouait pour de bon à la madame ; elle était dorénavant une vraie comtesse, comme les petites filles qu’on mariait à cet âge pour les renvoyer aussitôt après à leur couvent et à leur poupée. Mais elle avait de plus qu’elles la croix d’or émaillée à huit pointes, le ruban ponceau et la ceinture moirée des chanoinesses. Et elle se sentait vraiment l’héroïne de la journée. D’ailleurs, ces cérémonies n’avaient rien de terrible, et garantissaient l’avenir sans l’engager. Si les trois cousines ne trouvaient pas d’établissement convenable, elles étaient assurées de pouvoir être effectivement reçues dans le chapitre, c’est-à-dire admises à prononcer les vœux et à jouir de tous les avantages attachés au titre purement honoraire qu’elles venaient de recevoir.

Le chapitre noble d’Alix était réputé dans la province. Il fallait, pour y entrer, prouver six générations de noblesse dans la filiation paternelle. Bien entendu, à l’examen des preuves, il n’avait pas été question des légitimations. Si sévères que fussent les commissaires, on le voit, il était possible de les tromper. Pour mettre d’accord les actes de naissance des enfans avec ceux du mariage de leur parens légaux, Lazare Ducrest et Julienne de Gayot, on s’est contenté d’une surcharge, encore visible, sur le registre des actes capitulaires d’Alix, qui porte 1743 au lieu de 1753.

Chaque dame avait dans l’abbaye son logis séparé, entouré d’un petit jardin. La famille payait à la communauté le terrain sur lequel devait être bâtie la maisonnette, la construction et l’aménagement, et une rente viagère de 1200 livres. César Ducrest s’engagea à payer les sommes et rentes exigibles, non seulement pour sa fille, mais pour chacune des deux petites Ducrest de Chigy, et cela, moyennant hypothèque sur son marquisat de Saint-Aubin. C’était là une générosité bien inexplicable, en dehors des raisons que nous connaissons, et qui, toute conditionnelle qu’elle fût, était peu en accord avec sa fortune.